Dimanche 28 mars 2021
Dimanche des Rameaux
Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé

Textes de la liturgie (à consulter ici)

  • Marc 11, 1-10 : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur (bénédictions des Rameaux).
  • Isaïe 50, 4-7 : Le Seigneur vient à mon secours.
  • Psaume 21 : Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?.
  • Philippiens 2, 6-11 : Jésus s’est abaissé lui-même.
  • Marc 14, 1 – 15, 47 : Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ..

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L’homélie

Frères et sœurs,

Frères et sœurs, après avoir entendu le récit de la Passion, cette année, selon l’Evangile de Marc, que peut-on encore ajouter ? Le récit, dans sa sobriété, par la précision des événements racontés, est poignant par lui-même. Il n’appelle pas de commentaire, mais d’abord, le silence, la contemplation et la prière.

Seulement quelques mots pour aider à entrer dans cette contemplation et prière.

Lorsqu’on entend le récit de la passion, lorsqu’on regarde une croix, on voit au moins deux choses. La première chose que l’on voit, c’est jusqu’où peut aller la violence humaine. Un de mes confrères jésuite qui avait connu de près les atrocités d’un génocide, me confiait dans une lettre : « Je croyais qu’il y avait une limite à la violence humaine. He bien, je te l’assure ; il n’y en a pas ». La violence humaine, en effet, peut être sans limite, poussée à l’extrême. C’est cette violence-là que nous voyons sur la croix : une violence déchaînée, infligée injustement à un homme qui a passé sa vie à faire le bien au nom d’un Dieu qu’il appelait Père. Une violence extrême décidée par les autorités religieuses de son temps, applaudie par la foule, ordonnée par les autorités politiques et exécutée par la soldatesque. Cette violence extrême est la figure de toutes les violences dont témoigne l’histoire : les guerres, les génocides, les tortures, les morts de civils innocents et d’enfants, dans des circonstances atroces, comme on peut encore le voir aujourd’hui au Yémen, au Sud-Kivu, en Haïti ou en bien d’autres endroits encore. Pensons encore aux violences sexuelles, aux crimes homophobes, aux viols comme stratégie de guerre, aux attentats comme ceux dont on fait mémoire ces jours-ci. Oui, la violence n’a pas de limite. Il y en a qui sont patentes qui apparaissent au grand jour et font la une des journaux. Mais aussi combien de violences, cachées et tues ! Les pressions psychologiques, le harcèlement, les discriminations, les abus et injustices de tous genres dont on ne parle pas. L’histoire humaine depuis son origine porte la marque de la violence. Pensons au meurtre d’Abel par son frère tout au début de la genèse.

Sur la croix, on voit cette violence à l’œuvre. Mais, d’autre part, sur la croix, on voit aussi autre chose : on voit jusqu’où peut aller le don de soi et l’amour. Sur la croix, on voit, en effet, un homme qui subit la violence, mais qui ne cède pas à la violence, ne répond pas à la violence par la violence, mais au contraire, la vainc en aimant à travers tout, malgré tout, jusqu’au bout, faisant foi en Dieu son Père. Il ne condamne pas ses bourreaux. Il n’appelle pas sur eux la vengeance, mais le pardon : « Père, pardonne-leur car ils ne savent ce qu’ils font ». Sur la croix, on voit ainsi un homme, blessé à mort, mais qui met fin à la violence par un amour plus grand encore. Saint Paul résume ce mystère dans une formule étonnante dont il a le secret : « Là où le péché, là où la violence a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20). C’est l’amour du Christ en croix qui sauve. Un amour fou, inconditionnel dont rien, pas même notre péché, ne pourra nous séparer (Rm 8,38-39). « J’en ai l’assurance, ni la mort ni la vie, ni aucune créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ, notre Seigneur. » C’est cette grâce qui sauve. Un amour inconditionnel alors même que nous sommes pécheurs. Cet amour plus fort que la violence, nous le voyons aussi présent dans l’humanité. Innombrables aussi, tout autour de nous, les gestes concrets de dévouement, de solidarité, d’hospitalité, de don de soi, d’attention, de bienveillance inconditionnelle. Dans la vie, comme sur la croix, on voit, à la fois, la violence poussée jusqu’à l’extrême et la persistance, l’instance de la bonté qui sauve et qui fait vivre. Trace du Royaume de Dieu dans la chair du monde.

Mais continuons notre réflexion. Sur la croix, on voit encore autre chose. On voit la toute-impuissance de Dieu. Dieu laisse faire, Dieu laisse s’accomplir le péché. Dieu n’intervient pas. Il n’arrête pas la main du bourreau qui tue. Il n’envoie pas une armée libérer Jésus. Où donc est Dieu ? C’est une interrogation que nous portons aussi en nous quand nous considérons l’histoire humaine. Pourquoi Dieu permet-il tout cela ? Où est Dieu dans les temps de guerre ? Où était Dieu au moment des camps d’Auschwitz. Où est Dieu aujourd’hui dans l’épreuve que traverse le monde ? Dieu se montre impuissant. C’est que Dieu créateur n’est pas interventionniste. La création est un don et tout don est risqué. Car quand on donne quelque chose à quelqu’un, on perd le pouvoir sur ce que l’on donne sinon ce n’est pas un don. Le don de Dieu nous donne d’être libres. Si Dieu intervenait pour arrêter la main du bourreau qui tue, cela voudrait dire qu’il se repent d’avoir créé et donné la liberté, également la liberté de faire le bien. Oui, sur la croix, on voit la toute-impuissance de Dieu

Et pourtant, sur la croix, on voit aussi sa toute-puissance. Et cette toute-puissance de Dieu, elle se manifeste dans la résurrection. La résurrection de Jésus, en effet, est la manifestation de la toute-puissance créatrice et recréatrice de Dieu qui rend justice et témoignage à cet homme-là, son envoyé, qui a aimé jusqu’à l’extrême. Cette Bonne Nouvelle de la résurrection de Jésus, le Fils de Dieu, nous établit dans l’espérance du Royaume de Dieu encore à venir. Cette espérance nous met déjà debout maintenant. En dépit des épreuves du moment présent, c’est cette bonne nouvelle que nous entendrons, que nous proclamerons et célébrerons dans la joie, dimanche prochain, jour de Pâques.

Père André Fossion sj
Chapelle Universitaire Notre-Dame de la Paix

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Un chant pour accompagner la prière:
Fais paraître ton jour

Texte : Didier Rimaud – Musique : Jacques Berthier

Refrain : Fais paraître ton jour et le temps de ta grâce.
Fais paraître ton jour que l’Homme soit sauvé !

1. Par la Croix du Fils de Dieu, Signe levé qui rassemble les nations.
Par le corps de Jésus-Christ, Dans nos prisons, innocent et torturé.
Sur les terres désolées, terres d’exil, Sans printemps, sans amandier. R/

2. Par la Croix du bien-aimé, Fleuve de paix où s’abreuve toute vie.
Par le corps de Jésus-Christ, Hurlant nos peurs dans la nuit des hôpitaux.
Sur le monde que tu fis pour qu’il soit beau Et nous parle de ton nom. R/

3. Par la croix du Serviteur, Porche royal où s’avancent les pécheurs.
Par le corps de Jésus-Christ, nu, outragé Sous le rire des bourreaux.
Sur les foules sans berger et sans espoir Qui ne vont qu’à perdre cœur. R/

4. Par la croix de l’Homme-Dieu, Arbre béni où s’abritent les oiseaux.
Par le corps de Jésus-Christ, Recrucifié dans nos guerres sans pardon.
Sur les peuples de la nuit et du brouillard Que la haine a décimés. R/