Deuxième dimanche de Carême – Ecoutons-le

Nous avançons parfois à la petite lueur. Quand Abraham reçut l’appel de Dieu à prendre avec lui Isaac, son fils unique, et à l’offrir en holocauste sur la montagne, il n’a dû rien comprendre. Le fils de la promesse ! Le fils qu’il aimait. L’histoire se brouille. Et s’obscurcit. Nuit et brouillard. Mais lui qui, sur l’appel de Dieu, avait quitté son pays et sa parenté pour le pays que Dieu lui montrerait, demeure dans la foi, qui parfois se fait obéissance aveugle de la foi qui ne voit plus rien. Il obéit et lève le couteau. La parole de l’ange l’arrête dans son geste : Dieu ne veut pas la mort de ses enfants (Gn 22,1-18). Abraham est le père des croyants.

À la différence du fils unique Isaac, le Fils unique Jésus n’échappa pas à la mort (Rm 8,32). Mais avant d’en arriver là, quand Jésus fut transfiguré sur la montagne, il rayonnait (Mc 9,2-10). Il rayonnait d’avoir vu Dieu face à face, comme un nouveau Moïse. Il rayonnait de la gloire qui ne revient qu’à Dieu. Il rayonnait de l’amour du Père, de Dieu qui exprime son amour : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ». Les disciples Pierre, Jacques et Jean devaient être à la fois dans l’éblouissement, la stupeur et l’incompréhension de ce qu’il leur était donné de vivre. Jésus dans sa gloire. Dans son lien filial au Père. Une évidence trop forte pour être vraiment comprise mais tellement douce que l’on veut y demeurer. Cela ne leur fut pas donné : il fallut redescendre de la montagne. Mais la présence ordinaire de Jésus, si extraordinaire, leur demeura, ainsi que sa parole. Le Père n’avait-il pas dit : « écoutez-le » ?

Il y a dans nos vies des temps d’obscurité et des temps d’éblouissement. Dans le noir, apprenons avec Abraham à nous confier totalement en Dieu, même si nous ne le comprenons plus. Dans l’éblouissement, dans l’évidence de Sa présence, goûtons ces moments rares et gardons-les en mémoire, comme une lumière et une source, pour la vie courante, au fil des jours. Écoutons-le !

 

Françoise Mies, bibliste et philosophe à l’Unamur