Dimanche 20 mars 2022
Troisième dimanche de Carême (C)

Ne le coupe pas, laisse-le encore cette année

Luc 13, 1-9

Textes de la liturgie (à consulter ici)

  • Ex 3, 1-8a.10.13-15 : Je suis le Dieu de ton père…
  • Psaume 102 : Le Seigneur est tendresse et pitié.
  • 1 Corinthiens 10, 1-6.10-12 : La vie de Moïse avec le peuple au désert, un avertissement.
  • Luc 13,1-9 : Si vous ne vous convertissez pas….

Parabole du Figuier stérile – Francesco Rosselli, XVe siècle (2ème moitié)
Bibliothèque Piccolomini, Cathédrale de Sienne

 

 

L’homélie

Frères et sœurs,

L’évangile de ce jour résonne à nos oreilles comme un avertissement. Par deux fois, il nous dit :
« Si nous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même ». Cet avertissement est salutaire. Il est salutaire, en effet, car, nous allons le voir, il nous indique un chemin de salut. Il nous dit la voie à suivre pour ne point périr, pour échapper à la mort individuellement et collectivement.

Considérons donc le texte de ce jour avec attention. Il commence par l’évocation de deux événements dramatiques.  D’abord, le massacre horrible, sous les ordres de Pilate, de galiléens, des rebelles sans doute, dont le sang a été mélangé au sang des sacrifices d’animaux. Il y a ensuite l’évocation d’un grave accident : la chute d’une tour qui a coûté la vie à dix-huit personnes.

Face à ces deux événements, les gens s’interrogent et leur question arrive à Jésus : est-ce à cause de leurs grands péchés que ces personnes sont mortes de violence dans le premier cas, par accident dans le second cas.  Jésus répond de manière abrupte et ferme : non, vous n’y êtes pas du tout, ce n’est pas à cause de leur péché que ces personnes sont mortes. Si vous continuez à le dire, si vous poursuivez dans cette voie, si vous ne changez pas, si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même façon.

Analysons bien ce qui est en jeu. Ceux qui disent que c’est à cause de leurs péchés que ces personnes sont mortes, ils disent, en fait, que leur mort n’est que justice. En disant cela, ils les condamnent. Ils les enferment dans leurs soi-disant péchés. Ils trouvent une justification à leur mort violente ou accidentelle en portant sur eux un jugement qui condamne. « Si ces personnes sont mortes de mort violente ou accidentelle, c’est qu’elles le méritaient. Leur mort est un châtiment subi à cause de leur faute ».  Voilà ce que pensent ceux qui interrogent Jésus. C’est en quelque sorte une condamnation post-mortem qui enferme dans le passé, et donne la mort une seconde fois. La réaction de Jésus est cinglante. Ne portez pas un jugement de condamnation sur les personnes qui sont mortes ; si vous faites cela, vous les condamnez à tort, vous leur enlevez tout avenir possible, vous les enfermez dans la mort, vous faites une œuvre de mort. Vous vous enfermez vous-mêmes dans la mort et vous périrez de même. Ce n’est pas la mort qui est condamnation, c’est la condamnation qui est la mort.

La parabole dans la deuxième partie du texte illustre et précise clairement cette perspective.  Dans la parabole, il y a deux personnages. Le propriétaire de la vigne et un vigneron. Et puis, il y a un figuier. Le figuier, jusqu’à présent s’est montré stérile. Ne portant pas de fruit, il est menacé d’être condamné à mort et d’être coupé. Le figuier n’a pas donné de fruit. Il doit donc être coupé ; pas d’avenir pour lui. « A quoi bon laisser ce figuier occuper la terre  et l’épuiser ? », dit le propriétaire du champ. Le propriétaire prend le parti de la condamnation et de la mort à donner. Mais voici que le vigneron appelle le propriétaire à la conversion. Il intervient pour suspendre la condamnation et non seulement pour la suspendre, mais pour ouvrir au figuier une nouvelle chance de vie possible. Et pour cela, le vigneron se met lui-même à l’ouvrage. Il paie de sa personne pour entamer un travail qui ouvre une place à l’espérance et est porteur d’avenir. « Seigneur, laisse-le encore cette année, le temps que je creuse autour et que je jette du fumier. Peut-être portera-t-il du fruit à l’avenir ». Le mot est prononcé : l’avenir. La condamnation enferme dans le passé et interdit l’avenir. Mais ici, le vigneron change les données. Quelque chose se passe et quelque chose va arriver. Il va soigner la terre et le figuier. Il va y mettre du sien. Il va y mettre du temps. Il va travailler, avec minutie et patience, dans l’espérance.  Il ne va pas laisser le figuier à l’abandon. Il va ajouter son travail au travail de la terre en vue de l’avenir. C’est bien le contraire de condamner. C’est libérer. Le vigneron va utiliser jusqu’aux déchets, les déjections du passé – le fumier – pour le convertir en engrais et en puissance de vie nouvelle.

C’est toute la responsabilité humaine qui est ici figurée et mise en lumière. La vie nouvelle qui apparaît est vraiment « le fruit de la terre et du travail de l’homme ».  Le propre de l’appel évangélique, à l’exemple de Jésus lui-même, consiste à ouvrir sans cesse des voies nouvelles à la vie là même où la mort menace.  Etre disciple du Christ, c’est se mettre à son école : semer l’espérance, semer des graines d’avenir en toute circonstance et travailler à cet avenir. C’est la mort sans cesse traversée, la Pâque à l’intime de nos vies.

On pourrait appliquer cette voie évangélique à la situation de guerre que nous connaissons aujourd’hui, en Europe, à seulement quelque 2000 kilomètres d’ici. Il y a certes des analyses du passé à faire et des responsabilités à établir qui réclament justice et réparation pour les victimes. Mais à un moment donné, après avoir œuvré pour que cesse l’agression, il faudra bien parler, ne pas s’enfermer dans le passé et donner une chance à l’avenir, un avenir nouveau de réconciliation et de paix. Mais c’est tout un travail qui demande confiance, patience et imagination. Ne peut-on espérer avec le peuple russe une Europe unie, pacifiée, qui collabore de l’Océan Atlantique à l’Oural ? Prions et œuvrons pour que ce rêve devienne une réalité.

Père André Fossion s.j.
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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Pour accompagner la prière

Changez vos cœurs

Texte et musique : Jean-Paul Lecot

Refrain : Changez vos cœurs, croyez à la Bonne Nouvelle
Changez de vie, croyez que Dieu vous aime !

  1. Je ne viens pas pour condamner le monde :
    Je viens pour que le monde soit sauvé.
  2. Je ne viens pas pour les bien-portants ni pour les justes :
    je viens pour les malades, les pécheurs.
  3. Je ne viens pas pour juger les personnes :
    je viens pour leur donner la vie de Dieu
  4. Je suis le Bon Pasteur, dit Jésus,
    je cherche la brebis égarée.
  5. Je suis la Porte, dit Jésus :
    Qui entrera par Moi sera sauvé.
  6. Qui croit en moi a la vie éternelle,
    Croyez en mes paroles, et vous vivrez !