Lundi 15 août 2022

Assomption de Marie

Textes de la liturgie

  • Apocalypse 11, 19a ; 12, 1-6.10 : Un grand signe dans le ciel.
  • Psaume 44 : Debout, à la droite du Seigneur, se tient la reine, toute parée d’or.
  • 1 Corinthiens 15, 20-27 : En premier le Christ, ensuite ceux qui lui appartiennent.
  • Luc 1, 39-56 : Le Puissant fit pour moi des merveilles, il élève les humbles.

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Marie, celle qui nous apprend à vivre et à aimer

La Visitation de Jan Lievens (1607–1674)
Musée du Louvre à Paris – 163

L’homélie

Frères et sœurs,

Au cœur de l’été, l’Assomption est un des grands rendez-vous annuels de l’Eglise. Elle met en route beaucoup de monde pour la fête, les vacances et les retrouvailles. Malheureusement nous ne savons plus exactement pourquoi…

Il y a deux manières de célébrer Marie : l’extraordinaire, à la limite du mythologique que beaucoup ne supportent plus, et l’ordinaire, celui de tout être humain en ce monde.

L’extraordinaire nous entraîne dans un déploiement imaginaire et merveilleux qui peut nous agacer, et pourtant qui nous aide à prier. Le texte que nous avons entendu en première lecture est le refrain du chant que nous entonnerons tout à l’heure. « Marie nous te saluons… »

Nous sommes dans le ciel : un monde totalement imaginaire et irréel. Une femme apparaît sur la voute étoilée, elle est vêtue du soleil, la lune est sous ses pieds. Elle est enceinte. Elle est face à un dragon. C’est une étonnante bête rouge, avec dix têtes et dix cornes, qui balaie de sa queue le tiers des étoiles pour les précipiter sur la terre. C’est apocalyptique ! Comme dans les films, les chansons, les jeux : un monde imaginaire qui parle des combats entre les forces du mal et celles du bien.

Cette femme met au monde un enfant. Toute la Tradition a reconnu en elle Marie, la mère de Dieu. Elle est la Theotokos, « celle qui porte Dieu ». C’est un dogme de l’Eglise depuis les premiers siècles. Elle crie dans les douleurs et la torture de l’enfantement, comme toute femme depuis la création et la chute de l’humanité. A l’origine quand Adam et Eve se détournèrent de Dieu, il dit à la femme : « Je multiplierai la peine de tes grossesses ; c’est dans la peine que tu enfanteras des fils. Ton désir te portera vers ton mari, et celui-ci dominera sur toi. » Et à l’homme : « Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé le fruit de l’arbre que je t’avais interdit de manger : maudit soit le sol à cause de toi ! C’est dans la peine que tu en tireras ta nourriture, tous les jours de ta vie » (Gn 3, 16-17). L’apocalyptique rejoint ainsi le mythologique mais aussi nous ramène aux réalités de la terre !

Marie est la femme, « Eve nouvelle », qui met au monde l’enfant qui sera « le berger de toutes les nations ». Cet enfant c’est le Christ qui apporte le salut à l’humanité.  Cette vie donnée dès l’origine, redonnée et pardonnée grâce à la tendresse miséricordieuse de Jésus, au cœur de l’histoire où se manifestera « la puissance et le règne de notre Dieu ».

Cette femme dans le ciel, la Tradition dit qu’elle est vierge : celle qui est protégée par Dieu de toutes les atteintes du mal, de la souffrance et de la mort. Elle est pure de tous ces maux. De la mort même : le jour de l’Assomption nous faisons mémoire de « son élévation dans la gloire du ciel, avec son corps et avec son âme », comme l’a défini le Pape Pie XII en 1950, dans ce que l’on appelle le dogme de l’Assomption.  Marie donne la vie en plénitude, en commençant par son premier-né, Jésus. Elle donne l’amour dans toute sa pureté et tout son accomplissement.

Elle est le réceptacle le plus parfait, le plus pur de la vie, comme nous souhaiterions l’être, comme nous souhaiterions que soit notre époux, notre épouse, notre enfant… C’est cela le sens le plus juste de la virginité, ce n’est pas uniquement de ne pas avoir des relations sexuelles…

Cette femme est au cœur du combat de la vie et de la mort, dans le ciel comme sur notre terre. Nous croyons tous à la vie et nous voudrions qu’elle gagne ! Marie est celle qui nous montre la voix, à la suite de son fils, elle gagne et nous gagnerons après elle, avec elle. Elle est « la première en chemin ».

La fête et les lectures de ce jour nous ramènent à l’ordinaire de notre humanité. En effet le langage extraordinaire risque de faire de Marie une déesse, et de la mettre au-dessus de tout, de Dieu même. Certaines dévotions, certaines formulations de chants nous interrogent.

La seconde lecture, la lettre de Paul aux Corinthiens, nous dit bien que nous ne sommes pas dans un autre monde : « La mort étant venu par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. » Dans notre actualité nous sommes confrontés à la violence, à la haine, aux injustices…  Jésus les assume jusqu’à la mort et les prend avec lui pour nous aider à traverses ces épreuves qui nous frappent si régulièrement !

La troisième lecture nous présente Marie dans toute sa simplicité. La rencontre de ces deux femmes, Elisabeth et Marie, dans le récit de la Visitation, si bien décrite par Jan Lievens au 17ème siècle, nous permet de contempler celle qui est de notre race, celle qui nous ressemble.

Marie est mère dans les situations humaines qui sont les nôtres… De son enfant elle vit pauvrement la naissance à la crèche, l’itinéraire étonnant et bouleversant de son existence, la mort douloureuse et intolérable… Chacune des mamans de cette terre pourrait faire mémoire de ce qu’elle a vécu avec son enfant… Marie ne comprend pas toujours mais elle médite à chaque instant ce qui lui arrive, elle médite tout cela dans son cœur. Peu à peu la lumière se fait et tout s’illumine au bout du chemin. C’est ainsi qu’Ignace de Loyola, dans sa contemplation de la Résurrection, imagine que le premier être humain à qui Jésus apparaît est, sans aucun doute, sa mère… la première en chemin !

Maris est celle qui va voir sa cousine qui en est à son sixième mois, celle qui est, après la mort de son fils, sera présente au Cénacle aux amis de son fils, à leur détresse… eux qui ne comprennent toujours pas. Marie est toujours disponible.

C’est cette mère que l’on vient prier à Beauraing, à Banneux, où l’on prie la vierge des pauvres… On s’adresse à elle parce qu’elle est mère, qu’elle nous comprend et qu’elle saura parler à son fils, à Dieu. Elle saura dire les mots qu’il faut pour qu’il nous sauve, pour que nous reconnaissions que sans lui nous ne pouvons rien faire pour sortir de notre mal et des combats infernaux de la vie.

Finalement Marie nous montre le chemin de notre humanité car justement elle n’est pas une déesse. Elle est ce que nous rêvons d’être, l’homme et la femme par excellence… Ce que nous désirons au plus profond de notre cœur : la sainteté dont parle avec tant de bonheur le Pape François.

Marie est ce que nous sommes en réalité. Elle nous montre comment y trouver des signes de vie et d’espérance… Elle nous entraîne à la louange du magnificat, à la miséricorde du pardon.

Marie, par son exemple, nous aide à vivre et à aimer.

Alors ne nous lassons pas de la prier ! Amen !

Père Henri Aubert sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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