Dimanche 18 septembre 2022

25ème dimanche
du temps ordinaire (C)

Textes de la liturgie

  • Am 8, 4-7 : Le vrai culte comprend la justice et la fraternité
  • Ps 112 : Louez le Seigneur, de la poussière il relève le faible.
  • 1 Tim 2, 1-8 : Prier pour tous les hommes par la médiation du Christ.
  • Luc 16, 1-13 : Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent.

Lire les textes de la liturgie

Faites-vous des amis,
trompez l’argent malhonnête.

La vocation de saint Matthieu – Détail
Le Caravage 1599 – Église Saint-Louis des Français à Rome

L’homélie

Frères et sœurs,

La lecture de l’évangile de ce jour – la parabole du gérant habile – une nouvelle fois nous étonne. Au début du texte, il nous est raconté qu’un homme riche licencie son intendant pour avoir dilapidé ses biens. Il est mis à la porte sur le champ. Et, à la fin du texte, au contraire, voici que l’homme riche loue l’intendant pour sa manière de s’être tiré d’affaire après son licenciement. Alors pourquoi ce renversement ? Pourquoi ce passage de l’accusation à la louange ? Voyons le texte attentivement.

Au départ, nous avons un homme riche. Il a acquis et conquis sa richesse, notamment grâce à son intendant qui gère ses bien avec intelligence et efficacité. Nous avons donc ici la représentation d’un monde qui calcule et qui cherche à accumuler des richesses. Il est impératif, dans ce monde, de bien compter et de tenir correctement les comptes. L’intendant doit rendre ses comptes à son maître et ces comptes doivent être justes.  Mais dans le cas présent, les comptes ne sont pas justes et l’intendant est accusé d’injustice, il est accusé d’avoir dilapidé les biens de son maître et se trouve immédiatement licencié.

Que l’intendant perde son travail, dans le système où il est, ce n’est que justice. Par sa faute, voici qu’il se retrouve dans une situation difficile. Il n’a plus de gagne-pain, il n’a plus de quoi vivre. Il s’interroge : « Que vais-je faire faire ? Que vais-je devenir ? Bêcher, je n’en ai pas la force. Mendier, j’en aurais honte ». Il se retrouve privé de ressources matérielles et physiques. Il partage ainsi la situation de beaucoup comme aujourd’hui encore, exclus, chômeurs, malades ou sans abri qui se demandent comment survivre alors qu’ils n’ont pas assez de quoi vivre. C’est une question dont l’enjeu est la vie ou la mort.

Cette question en pose une autre. Qu’est-ce qui fait vivre ? Qu’est-ce qui nous assure dans l’existence ? Est-ce seulement le marché, les règles économiques et les comptes justes ? Nous le savons, cela ne suffit pas pour vivre. Nous vivons de nous tenir et de nous entretenir les uns les autres, nous vivons de relations, de fraternité, d’amitié. « Faites-vous des amis ». C’est de ce constat fort que l’intendant part pour se sauver.

« Ah, je sais ce que je vais faire », dit-il dans une illumination subite, comme dans un trait de génie, pour se tirer d’affaire.

Avec beaucoup d’astuce et d’intelligence, Il profite de l’intervalle de temps qui lui est laissé avant que la sanction qui l’affecte ne prenne ses effets, pour continuer à dilapider les biens de son maître, non pas à son profit, mais pour d’autres en leur diminuant les dettes des créanciers de son maître, pour s’en faire des amis et bénéficier à son tour de leur reconnaissance et de leur largesse. « Ah je sais ce que je vais faire pour qu’une fois écarté de la gérance, il y ait de gens qui me reçoivent chez eux ». « Combien dois-tu à mon maître ? Cent barils d’huile. Vite, écris cinquante. Et toi, combien dois-tu à mon maître ? Cent sacs de blé. Vite, écris, quatre-vingt ». Ce faisant, il se fait des amis qui l’accueilleront chez eux, qui lui rendront et ne le laisseront pas sur la paille.

Voyons la fin de la parabole. « Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec intelligence et habileté ». Le maître loue l’habileté du gérant, son astuce, son imagination. Il a trompé le monde du marché, le monde du calcul et des comptes, en donnant pour se faire des amis et sortir de la situation critique où il s’était mis. C’est comme si le maître disait : « Bravo ! Bien joué. Il est malin ».

Réfléchissons bien à l’enjeu de la parabole. Au début du texte, avons-nous dit, il y a la représentation du monde économique du calcul et des comptes. Dans ce monde-là, on calcule, on cherche à accumuler des richesses sans considération de la justice et de la solidarité. C’est un monde où l’on ne se fait pas de cadeau. Le dieu Mamon, l’argent malhonnête, dont parle Jésus, c’est précisément le dieu de l’argent, vorace et aveugle, qui accumule les richesses au mépris de la justice, crée l’opulence ici mais la pauvreté et l’exclusion là-bas. Nous sommes bien placés aujourd’hui pour comprendre cela. Notre système économique et financier aujourd’hui crée des richesses mais, en même temps, maintient des populations entières dans la pauvreté ainsi que le montre l’immense disparité dans la répartition des biens. Notre intendant de la parabole en diminuant la dette des débiteurs est subversif. Par rapport au système en place, il commet une injustice, mais, en réalité, il rétablit la justice à l’égard de ceux qui se sont trouvés injustement endettés par la force du dieu Mamon.  Ce qui a été mal acquis, il le rend, il le donne gratuitement. Il remet le monde de la finance au service des alliances humaines. Il réoriente le calcul vers l’humain.

N’est-ce pas ce que l’homme riche de la parabole a compris lorsqu’il loue l’intendant. Il a compris que derrière le geste soi-disant « injuste » de l’intendant, il y avait un homme en quête de solidarité humaine, en quête d’une justice supérieure qui, en diminuant les dettes, rétablit, en fait, la justice et crée de l’amitié. C’est la leçon que donne l’évangile de ce jour : On pourrait la résumer et l’exprimer comme suit « Quittez le Mamon de l’injustice et faites-vous des amis. Mettez le monde du calcul au service de la justice et de l’amitié. Vous, les fils de la lumière, soyez aussi habiles que les gens de ce monde injuste qui se battent et déploient des trésors d’imagination pour gagner un maximum de profit. Soyez aussi habiles qu’eux. Trompez le Mamon, trompez l’argent trompeur. Exercez votre intelligence, votre savoir-faire pour construire avec l’argent un monde où la pauvreté recule, un monde qui évite l’endettement, qui développe la paix et entrave la guerre. Construisez avec l’argent, avec les biens de ce monde, le trésor de l’affection et de la reconnaissance mutuelle. Ce trésor de l’amitié n’a pas de prix, il est infiniment précieux, car, de surcroît, sachez-le, ce trésor de l’amitié ne vous sera pas enlevé le jour de votre mort. Il vous donnera accès à la vie éternelle. Il vous vaudra d’être accueillis dans le Royaume des cieux et restera votre bénéfice pour toujours.

Au fond, frères et sœurs, ce gérant habile qui rétablit la justice en remettant les dettes est la figure même de Dieu qui fait grâce et invite à faire de même.

Père André Fossion sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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Un chant pour accompagner notre méditation

Ta parole nous réveille

Paroles et musique : Laurent Grzybowski

Tu fais de nous un peuple de témoins
Pour dire au monde tes merveilles
Tu viens demeurer au cœur de chacun
Et ta parole nous réveille.

  1. Fermer les yeux pour tout quitter
    Et les ouvrir sur l’inconnu
    Vouloir donner son fils unique
    Etre témoin de la confiance.
  2. Chanter, danser, et louer Dieu
    Offrir sa faute et son péché
    Tenir sa place à chaque instant
    Témoin de ta fidélité.
  3. Vivre au désert en solitude
    Pour aplanir toutes montagnes
    Pour annoncer celui qui vient
    Tu es témoin de notre attente.
  4. Abandonner tous ses filets
    Répondre oui à un appel
    Changer de vie sur un regard
    Témoin de notre liberté.
  5. Heureux les artisans de paix
    Heureux ceux qui sont appelés
    Ta Parole est Bonne Nouvelle
    Signe de ton amour pour nous.
  6. Partir dans le désert du monde
    Connaître aussi la tentation
    Vivre l’épreuve dans l’amour
    Jésus, image de notre Père.
  7. Etre attentif aux cris de l’Homme
    Accueillir le désir de Dieu
    Recevoir l’Esprit qui libère
    Témoin du « oui » offert à Dieu.
  8. Dresser la table du repas
    Se retrouver pour le festin
    Ton peuple est là qui te rend grâce
    Viens nourrir notre humanité.
  9. Aimer le Père tels que nous sommes
    Choisir sans attendre demain
    Et croire en l’Amour qui appelle
    Dieu nous envoie au cœur du monde.