Jeudi 28mars 2024

La Cène du Seigneur (B)

Lectures

  • Exode 12, 1-8.11-14 : Ce jour-là sera pour vous un mémorial.
  • Psaume 115 : La coupe de bénédiction est communion au sang du Christ.
  • 1 Corinthiens 11, 23-26 : Ceci est mon corps qui est pour vous.
  • Jean 13, 1-15 : Jésus les aima jusqu’au bout.

Lire les textes de la liturgie

Il les aima jusqu’à l’extrême

Le lavement des pieds
Fresque du monastère de l’Emmanuel à Bethléem

 

 

Homélie

Frères et sœurs, la liturgie de ce jeudi saint nous propose deux textes du Nouveau Testament qui nous plongent au cœur du mystère pascal. Il s’agit, d’une part, du récit du lavement des pieds dans l’évangile de Jean (Jn 13,1-15) et, d’autre part, du récit de l’institution de l’Eucharistie dans la première épitre de Paul aux corinthiens (1 Co 11,23-26)[1]. Ces deux récits nous donnent à contempler le « sans mesure » de l’amour de Jésus-Christ pour nous au nom de son Père. « Il les aima jusqu’à l’extrême » dit l’évangile de Jean.  Ce pourrait être le titre de ces deux récits.

Dans le premier récit, celui du lavement des pieds, l’évangéliste, manifestement, souligne l’importance et la solennité du moment. Jésus, trahi par Judas, sait qu’il va passer de ce monde à son Père, souffrir et mourir. En cette heure grave, que peut-il encore dire à ses disciples, que peut-il encore faire à leur endroit pour accomplir la mission que le Père lui a confiée ? « Sachant que le Père lu a tout remis en ses mains, il les aima jusqu’au bout », écrit l’évangéliste Jean. Comment ? Durant le repas, voici qu’il se lève de table, dépose son vêtement, se ceint d’un linge, lave les pieds de ses disciples et les essuie avec le linge qu’il avait à la ceinture. Ce lavement des pieds est un geste d’entretien humain, simple, concret, d’une humilité désarmante. Il est de l’ordre du service jusque dans l’ordinaire des choses. Lui, le maître et seigneur, manifeste jusqu’à l’extrême par un geste concret, l’amour des siens. L’amour pour chacun et chacune d’entre nous. On ne peut qu’en être étonné, bouleversé… ou alors dire non, s’opposer comme Pierre, le premier des disciples, le premier responsable de la communauté chrétienne naissante : « Non, Seigneur, tu ne me laveras pas les pieds, non jamais !». Cette résistance de Pierre est compréhensible, elle est humaine, elle pourrait être la nôtre. Car, en effet, pour nous chrétiens, c’est sans doute la chose la plus difficile à accepter : « Que Dieu, par son Fils, aime comme cela, à nos pieds, jusqu’à l’extrême. Non ce n’est pas possible ! Ce n’est pas raisonnable !» Sans doute, était-ce aussi là aussi le sentiment de l’apôtre Judas à l’égard de l’enseignement et des comportements de Jésus : « Non, ce Jésus va trop loin ; il faut l’arrêter ».  Il est difficile, en effet, d’accepter que Dieu, en son Fils, aime ainsi jusqu’à l’excès.  Cet amour excessif, spontanément, nous avons tendance à le raboter, à lui mettre des limites, des réserves, des conditions, des obligations. Et ce faisant, nous imaginons Dieu à notre propre image tel que nous sommes nous-mêmes, avec nos propres limites. Face à la résistance de Pierre, Jésus explique et invite à réfléchir : « Comprenez-vous ce que je vous ai fait. Si moi, le Seigneur et le maître, je vous, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns des autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez comme je l’ai fait pour vous ». Par la parole et le geste, Jésus institue ici une communauté de disciples fondée sur le commandement du service mutuel, du service réciproque. Ce que Jésus demande ici, c’est que l’amour qu’il entretient avec son Père et qu’il éprouve pour ses disciples, se répande entre les disciples eux-mêmes : « Je vous ai donné un exemple pour que vous fassiez comme je l’ai fait ». Il n’y a pas de plus grand amour que de poser, de déposer, de disposer sa vie pour ses amis, de se rendre disponible. Aimer ainsi jusqu’au bout à l’exemple de Jésus ne relève pas de l’héroïsme mais prend forme dans les tâches quotidiennes, minuscules mêmes, portées avec amour, conduites avec respect, délicatesse et attention à l’égard de chacun jusque dans le détail. En tout aimer et servir, selon la formule de saint Ignace.

C’est ce même amour excessif que nous donne à voir le deuxième récit de ce jeudi saint : le récit de l’institution de l’Eucharistie. Là aussi, comme dans le récit du lavement des pieds, on trouve l’invitation à faire comme Jésus a fait : « Faites ceci en mémoire de moi ».

D’emblée, le récit de l’institution de l’Eucharistie s’inscrit dans une chaîne de transmission qui remonte à Jésus lui-même. « J’ai moi-même reçu, dit Paul, ce qui vient du Seigneur et je vous l’ai transmis ». Et comme dans le récit précédent, le moment est solennel.  Mais ici, ce qui est en jeu, plus que le service mutuel, c’est le don de soi jusqu’à mourir. Alors qu’il va être livré et souffrir sa passion, Jésus va poser un acte qui, en quelque sorte, résume, récapitule et actualise dans un seul geste et d’un seul coup ce que fut sa vie : une vie donnée, une vie passée à faire le bien quoi qu’il en coûte.  Voici qu’il prend du pain, rend grâce, rompt le pain et le donne à chacun des disciples, en disant : « Prenez, mangez, ceci est mon corps livré pour vous». Dans ce geste simple du don du pain, c’est Jésus lui-même qui se livre, qui anticipe sa mort, aime jusqu’à l’extrême et donne sa vie pour ses amis. Le «ceci » désigne Jésus lui-même qui se fait nourriture, qui se donne pour ses amis. Le « ceci », c’est la Cène, le partage fraternel du pain et de la coupe, mais aussi toute la scène : le lieu, les circonstances, les protagonistes présents, les paroles et les gestes. Le « ceci est mon corps », c’est tout cela. C’est le corps du Christ lui-même, le corps communautaire des disciples qui partagent le pain et le vin en non nom en mémoire de Lui dans une alliance nouvelle dans laquelle Jésus vient, se rend présent. « Ceci est mon corps qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi ». Par ces paroles, Jésus institue une communauté de partage en souvenir de lui mort, livré, broyé pour nous. Et après sa mort, voici qu’un nouveau temps s’ouvre durant lequel il vient. « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ». L’expression est forte et audacieuse. La mort de Jésus appartient au passé. Et maintenant, aujourd’hui même, après sa mort, nous sommes dans le temps de sa venue. Jésus, corps livré, vient dans l’alliance fraternelle que nous formons en son nom ; il vient dans nos gestes de partage, il vient dans les eucharisties que nous célébrons ; il vient et nous le reconnaissons vivant, ressuscité, chaque fois que des hommes et des femmes, de par le monde, se font nourriture et providence pour autrui.

Frères et sœurs, Jésus aime jusqu’à l’extrême. C’est le cas dans le lavement des pieds. C’est le cas à chaque Eucharistie. En ce temps où nous célébrons sa Pâque, rendons lui grâce et aimons comme lui-même nous a aimés.

[1] On trouve aussi des variantes de l’institution de l’Eucharistie dans les Évangiles synoptiques.

Père André Fossionsj

Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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Un chant pour accompagner notre méditation

Je suis venu pour la vie

Paroles : Sœur M. Suzanne Toolan d’après Jn 10, 10 – Musique : P. Arsenault

Je suis venu pour la vie
Je suis venu pour la vie
Je suis venu pour la vie éternelle.

  1. Je suis le pain vivant,
    Qui me suit n’aura plus jamais faim,
    Qui croit en moi n’a plus soif,
    Celui qui me suit vient de la lumière.

  2. Je suis venu du ciel,
    Non pas pour faire ma volonté,
    Quiconque croit dans le Fils,
    Ressuscitera un jour dans la gloire.

  3. Venez manger ce pain,
    Venez boire la coupe du vin,
    Qui mangera de ce pain,
    Et boira ce vin, recevra la vie.

  4. O Père sois béni,
    De cacher ce mystère aux puissants,
    De révéler aux petits,
    L’incroyable amour de ton cœur de Père.