Dimanche 16 juin 2024
Onzième dimanche du temps ordinaire (B)
Lectures
- Ézéchiel 17, 22-24 : À la cime du grand cèdre, je prendrai une tige.
- Psaume 91 : Il est bon, Seigneur, de te rendre grâce.
- 2 Corinthiens 5, 6-10 : Nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision.
- Marc 4, 26-34 : Un homme qui jette en terre la semence.
Lire les textes de la liturgie
Garder confiance !
Le Semeur (1850)- Jean-François Millet (1814-1875)
St Louis Art Museum (Missouri)
Homélie
Frères et Sœurs,
Comment allez-vous ? Quelle couleur a votre moral aujourd’hui ? Quelle est votre météo intérieure, la météo de votre état d’âme, de votre état d’esprit ? Beau fixe, variable, pluvieux ?
Si je vous pose la question, c’est parce que, lorsque j’ai lu les textes d’aujourd’hui pour préparer cette homélie, je sortais de regarder les nouvelles. Et je n’ai pas pu ne pas être frappé par le contraste dans l’atmosphère qui se dégageait de ces deux moments. D’un côté, à part l’annonce du début de l’euro de foot, une atmosphère plutôt anxiogène entre l’Ukraine, la Palestine, les élections en France, le G7… Et de l’autre, une atmosphère paisible, bucolique, presque poétique, où l’on contemple de hautes montagnes, des cèdres du Liban, du blé mûr pour la moisson, des arbres qui abritent une multitude d’oiseaux. A cette description, j’aurais d’ailleurs volontiers ajouté les tilleuls en fleurs qui bordent la rue Grafé, qui embaument de tout leur parfum et bruissent du bourdonnement des abeilles et du chant du pinson. Avez-vous remarqué en arrivant ?
Devant ce contraste, je me suis demandé : « Elle est où la réalité ? » Faut-il regarder d’un côté pour oublier l’autre ? Nous immerger d’un côté pour nous consoler ou pour tempérer l’autre ? Faut-il choisir entre la beauté paisible d’un moment printanier et le sérieux, la gravité, de la situation ?
Alors, j’ai relu les textes, et j’ai trouvé une clé dans la lettre de saint Paul aux corinthiens. « Frères, dit-il, nous gardons toujours confiance, tout en sachant que nous demeurons loin du Seigneur. Nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision. Oui, nous avons confiance. »
Oui, nous avons confiance ! Mais confiance en quoi, confiance en qui ? Et d’où peut bien venir cette confiance si on veut qu’elle soit réelle, solide, et non pas une illusion balayée à la première épreuve, comme une couche de peinture superficielle qui peine à cacher le bois pourri par-dessous.
Cette confiance, elle s’enracine dans la Parole du Seigneur dont Ézéchiel nous annonce la promesse, et dans la Parole du Christ, qui nous décrit le Royaume de Dieu qui s’approche de nous. Et ces deux paroles nous disent chacune à leur manière : Dieu travaille au cœur du monde, Dieu agit au cœur de sa création, Dieu cultive et fait grandir la vie, à partir de la plus petite possibilité offerte, de la plus petite des ouvertures. Il saisit, il plante, il fait grandir, fructifier, mûrir, il abrite, il protège et il mène jusqu’à la moisson !
« A la cime du grand cèdre, je prendrai une tige, j’en cueillerai une toute jeune, et je la planterai moi-même, dit le Seigneur. Elle portera des rameaux et produira du fruit. En-dessous d’elle, habiteront tous les passereaux, à l’ombre de ses branches ». Et Jésus : « La semence germe et grandit, il ne sait comment, produit l’herbe puis l’épi, enfin du blé plein d’épis. » Et « la graine de moutarde grandit, dépasse toutes les plantes potagères si bien que les oiseaux font leur nid à son ombre. »
Oui, Dieu agit et travaille, silencieusement, dans le monde et en nous. Du plus petit, du presqu’invisible, il fait grandir la vie, s’épanouir les arbres, mûrir les fruits. Et c’est pourquoi nous pouvons toujours garder confiance, et toujours cheminer dans la foi.
Car si c’était nous, si c’était l’homme, qui devait faire pousser les arbres et mûrir les blés, nous serions en effet bien mal embarqués. Comment pourrions-nous faire ? C’est peut-être d’ailleurs là une des raisons du malheur de l’humanité. C’est qu’elle croit devoir tout faire et tout contrôler de A à Z, depuis la graine jusqu’à l’arbre et au fruit, comme si nous étions seuls dans l’affaire, comme si nous étions seuls responsables et comme si tout ne dépendait que de nous.
Or, dans la parabole de Jésus, l’homme n’intervient qu’à deux moments : au départ, car c’est lui qui sème, et à l’arrivée, car c’est lui qui récolte la moisson.
Semer, c’est offrir à la terre, à la vie, à Dieu, le point de départ, ce qu’il pourra travailler et faire grandir. Peu de chose en somme, mais ce qui, de nous, est promesse, espérance, désir, tout petit encore, mais qui ne demande qu’à croître, et qui attend l’eau vive qui le fera s’épanouir. Qu’avons-nous de nous-mêmes, de notre vie, dans notre besace, à semer en terre, à donner à Dieu pour qu’il le fasse grandir ?
Semer, puis récolter. Car Dieu a déjà fait mûrir beaucoup de choses dans notre vie, au fil de notre histoire. Il a déjà fait pousser beaucoup d’épis, produit beaucoup de ramures et de feuillages où d’autres peuvent venir s’abriter. Il nous suffit d’ouvrir les yeux pour reconnaître les fruits de son œuvre, déjà là, et prêt à être récoltés dans les champs de notre vie.
Alors, comme Paul, gardons toujours confiance. Cheminons dans la foi. Donnons, offrons, ce que nous pouvons semer de nous-même dans le monde, et pour le reste, faisons confiance en Dieu, faisons confiance et laissons-le faire. Il se charge de porter toute chose à maturité, en sorte que nous puissions en récolter les fruits bien mûrs en son temps. C’est ainsi que nous verrons le royaume de Dieu déjà là et en croissance, dans nos vies et dans le monde, dans les actualités et dans les tilleuls de la rue Grafé.
Amen.
Père Paul Malvaux sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur
Un chant pour accompagner notre méditation
Dis-nous à quoi ressemble le Royaume
Paroles et musique : Robert Lebel
Dis-nous… À quoi ressemble le Royaume de Dieu !
Dis-nous… Fais-nous comprendre le Royaume de Dieu !
- Le Royaume de Dieu
Ressemblerait peut-être
À la braise d’un feu
Qui couvrirait la terre…
Un trésor imprévu
Au fond d’un champ de pierre !
Les biens qu’on a vendus
Pour acheter la perle ! - Il ressemble au printemps
Quand c’est encore l’automne
Il a des airs d’enfant
Sur un visage d’homme ;
Il se tient en tous lieux
Et se fraye une route :
Le voit qui a des yeux
Et l’entend qui écoute ! - Il ressemble au levain
Qu’on verse dans la pâte
Et qui, jusqu’au matin
La soulève sans hâte…
Il n’est pas pour demain
Ni pour la fin du monde :
Il est comme le grain
Entre vos mains fécondes