Dimanche 23 avril 2023

3ème  dimanche de Pâques (A)

Lectures

  • Actes 2, 14.22b-33 : Il s’agit de Jésus le Nazaréen.
  • Psaume 15 : Tu m’apprends, Seigneur, le chemin de la vie.
  • 1 Pierre 1, 17-21 : Vous mettez votre foi et votre espérance en Dieu.
  • Luc 24, 13-35 : Deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs.

Lire les textes de la liturgie

Ils le reconnurent à la fraction du pain

 

Thomas rencontre le Christ ressuscité
Fresques du monastère de l’Emmanuel à Bethléem (1978/9)

L’église du monastère de Bethléem est située au bord du mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie occupée. Elle a été ornée de fresques par les frères roumains Gabriel et Michel Moroshan, entre la fin de l’année 1978 et Pâques de l’année suivante. Les peintres ont travaillé en priant et en jeûnant, parfois accompagnés du son de la cithare dont jouait l’une des sœurs.

Les images accompagnant les homélies du Carême 2023 à la Chapelle Universitaire sont des reproductions tirées du livre Fresques de Bethléem, contemplation de la Parole, Salvator 2014. Elles accompagneront notre chemin de Pâques avec Jésus, en communion avec ces deux peuples, israéliens et palestiniens, à nouveau en un terrible conflit.

 

L’homélie

Frères et sœurs,

Ce texte de l’évangile de Luc raconte un double parcours en sens inverse. Il y tout d’abord le parcours de la désespérance et, à l’inverse, du fond même de la désespérance, par paliers successifs, le parcours d’une renaissance, d’un relèvement. Le premier entraîne sur un chemin de mort. Le deuxième ouvre un chemin de vie jusqu’à l’espérance de la résurrection

Considérons tout d’abord la parcours de la désespérance. Au départ, il y a deux hommes au visage sombre, la mine abattue. Ils fuient Jérusalem, ils quittent la Ville Sainte, la ville symbole de l’alliance avec Dieu qui fait vivre. Sur la route, ils ressassent ensemble ce qui est arrivé à Jérusalem : la condamnation et la crucifixion de Jésus de Nazareth qu’ils considéraient comme un prophète. Ils avaient mis en lui tout leur espoir de délivrance pour Israël. Voici que tous leurs espoirs sont ruinés ; leur confiance aux autorités religieuses et aux chefs du peuple est réduite à rien. C’est toute leur vie qui est submergée par la désespérance. Celle-ci prend toute la place. Elle assombrit complètement l’horizon. Ils abandonnent le groupe des disciples qui vole en éclats. Ils ne prêtent même aucune attention aux dires des femmes qui, s’étant rendues au tombeau, auraient eu une vision d’anges qui le déclarent vivant. Mais ils n’entendent rien, ils restent sourds et poursuivent leur route sur la pente de la désespérance. « Nous espérions qu’il allait délivrer Israël, mais non, voilà trois jours que ces faits se sont passés. »

Mais voici qu’à Emmaüs, tout s’inverse. Là, c’est un autre parcours qui commence.  Ils étaient abattus et ils se lèvent. Ils étaient sombres et leur cœur s’illumine. Ils étaient désespérés et ils sont pleins d’espoir. Ils fuyaient et, dit le texte, « à l’heure même, s’étant levés, ils s’en retournent à Jérusalem ».

Pourquoi ce retour et ce retournement ? Pourquoi, subitement, rebrousser chemin, le reprendre dans le sens inverse ?  Que s’est-il passé ? Il s’est passé une conversation. Une conversation entre eux et un étranger de passage sur leur route. Le narrateur nous dit que c’est Jésus lui-même qui s’est approché d’eux et les accompagne sur le chemin de leur désespérance. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Ils se sont parlés. Ils se sont entretenus. Et cet entretien les a transformés. S’entretenir, c’est se tenir ensemble, solidairement. Nous le savons bien, quand on est dans le désespoir, parler avec quelqu’un, être entendu, être écouté, c’est déjà sortir la tête de l’eau.

Cet entretien les a transformés. Et, en eux-mêmes, dans leur cœur et dans leur esprit, ce qui s’est passé à Jérusalem a changé de sens. Du tout au tout. « De quoi parliez-vous donc en chemin ? » « Insensés », leur dit-il, vous marchez dans le mauvais sens. Et il leur explique alors tout ce qui concernait Jésus selon les prophètes et les Ecritures : le Christ ne devait-il pas souffrir pour entrer dans sa gloire ? Et eux qui étaient sombres, accablés de tristesse, voici que leur cœur devient brûlant.

Une relation s’installe. Une amitié se noue. Ils le pressent de rester. Ils se donnent une hospitalité mutuelle. Les voici alors partageant un repas. C’est là que leurs yeux s’ouvrent. La mémoire intervient. Ils se souviennent que leur cœur renaissait à l’espérance quand l’inconnu sur le chemin leur disait que Dieu n’abandonne pas à la mort son serviteur, le Christ, comme le dit également Pierre dans la première lecture de ce jour (Ac 2,24). Et surtout, ils se souviennent du dernier repas avec Jésus quand il rompit le pain et le leur donna. Ils ont alors le sentiment de revivre à l’instant même, là à Emmaüs, ce même partage. Ils le reconnaissent à la fraction du pain. Et aussitôt, ils se lèvent, se relèvent de leur désespérance et prennent la route dans un autre sens vers Jérusalem où ils entendent que les disciples ont vu eux aussi le Seigneur, qu’il est vraiment ressuscité.

Frères et sœurs, ce qui nous est enseigné ici, c’est que nous ne voyons pas le Christ ressuscité, mais nous pouvons l’entrevoir ou mieux le reconnaître en voyant autrement comme Thomas, dans la foi, lorsqu’il s’écrie « Mon Seigneur et mon Dieu ». Sans le voir, nous pouvons le reconnaître dans des gestes humains ; ici, l’hospitalité partagée, l’entretien et la fraction du pain. C’est au sein de nos rencontres que le Christ agit et se fait reconnaître : « Ils le reconnurent à la fraction du pain ».
« Là où deux ou trois sont réunis, je suis au milieu d’eux ». La fraction du pain, c’est « Prenez, ceci est mon corps, livré pour vous ». Prenez : vous êtes mon corps. Mon corps ne se donne pas à voir. Il se donne à reconnaître dans les gestes de partages humains que vous échangerez les uns avec les autres. La fraction du pain c’est, aussi, « Faites ceci en mémoire de moi », c’est aidez-vous, donnez-vous, relevez-vous les uns les autres. C’est là que vous me verrez.

Un soir, à Paris, en 1949, l’abbé Pierre a croisé le chemin d’un homme désespéré. Et, s’approchant de cet être humain, au bord du suicide, il lui a dit : « Je n’ai rien. Je ne peux rien te donner. Mais toi, au lieu de mourir, tu peux m’aider à aider les autres ». Ce jour-là, cet homme s’est relevé. Témoin du Christ ressuscité, il est devenu le premier « Compagnon d’Emmaüs ».

Père André Fossion sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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[1] De nombreuses traductions ne respectent pas ces différences de temps verbaux. Sans doute par souci d’uniformisation stylistique.

[2] Selon certaines traductions, le récit comporterait une phrase constative prononcée par Jésus : « Parce que tu as vu, tu as cru ». D’autres traductions mettent la phrase à l’interrogatif : « Est-ce parce que tu as vu (tangiblement) que tu as cru ? ». Cette seconde version est davantage en cohérence avec l’ensemble du récit.

Un chant pour accompagner notre méditation

Criez de joie, Christ est ressuscité

Paroles et musique : Cissy Suijkerbuijk – L’Emmanuel

Criez de joie, Christ est ressuscité !
Il est vivant, comme il l’avait promis.
Alléluia, Christ est ressuscité !
Il nous ouvre la vie !

  1. Au milieu de notre nuit,
    La lumière a resplendi.
    La Vie a détruit la mort,
    Christ ressuscité !
  2. Vous les anges, louez-le,
    Exultez depuis les cieux !
    Tous les vivants louez Dieu !
    Christ ressuscité !
  3. Louez Dieu dans sa grandeur,
    Louez Dieu, notre Sauveur !
    Sans fin louez le Seigneur !
    Christ ressuscité !
  4. Accueillez en votre cœur,
    Jésus-Christ, l’Agneau vainqueur !
    Il est le Chemin, la Vie,
    Christ ressuscité !