Dimanche 7 novembre 2021
32ème dimanche du temps ordinaire (année B)

Tout jeter

Textes de la liturgie (à consulter ici)

  • 1 Rois 17, 10-16 : La veuve qui donne ce qui lui reste.
  • Psaume 145 : Chante, ô mon âme, la louange du Seigneur !
  • Hébreux 9, 24-28 : Le Christ s’est offert une fois pour toutes.
  • Marc 12, 38-44 : La veuve qui donne ce qu’elle avait pour vivre.

L’homélie

Frères et sœurs,

Ce récit est construit à la manière d’une scène de théâtre. Il est dit, d’ailleurs, que Jésus est assis et qu’il regarde.

Sur la scène, trône ce que le texte appelle le trésor. Il ne cesse de se remplir : la foule défile devant lui dans un va-et-vient incessant pour y jeter de l’argent. Ce trésor semble être doté d’un pouvoir dévorant. Il est vrai que ce trésor est aux mains des Grands Prêtres et des scribes dont Jésus vient de dire qu’ils dévorent le bien des veuves. Ce qui est l’exact opposé de la loi de Moïse qui fait de la veuve, de l’orphelin et de l’immigré les premiers bénéficiaires[1] de tout don.

C’est pourquoi Jésus, qui a déjà chassé les marchands du temple, condamne, avec la plus grande sévérité, le comportement des scribes. Immédiatement après cette scène face au trésor – c’est la page suivante de l’évangile de Marc –  il va annoncer la destruction du temple, devenu lieu de profit et d’oppression des pauvres[2]. « Il n’en restera pas, dit-il, pierre sur pierre ».

Mais, pour l’heure, Jésus regarde. Il voit, dit saint Marc, « beaucoup de riches qui jettent beaucoup d’argent ». Aucun chiffre. Aucun nombre n’est cité. Les riches jettent sans compter. Peu leur importe. Ce qui est jeté ici semble sans valeur. Le spectacle offert ici est celui d’un monde sans valeurs autres que la seule richesse.

Mais, subitement, tout change, un évènement se produit : « Vient une unique veuve pauvre ; elle jette deux liards, c’est-à-dire un quart de sou ». Ici, tout est compté. Il y a une veuve. Elle est seule. Il y a très précisément deux liards, c’est-à-dire un quart de sou. Maintenant, tout est compté pace que tout compte. Tout prend de la valeur : la personne humaine et le moindre de ses moyens de subsistance.

Saint Marc met en scène, par cette veuve pauvre, la figure même de l’humanité blessée et dévorée. Et c’est un monde de valeurs qui s’ouvre devant nous. La veuve du récit, par toutes ses blessures, énonce, en contrepoint, les valeurs de la vie.

Elle est veuve. Sans plus de mari. Il lui a été enlevé. Elle en reste comme amputée. Elle dit ainsi la valeur de l’amour humain.

Elle est pauvre. Elle doit être « regardante » et tout compter.  Le moindre quart de sou a une grande valeur.

Elle est seule. Isolée.  Sa solitude dit combien sont précieuses les relations humaines.

Et, en outre, le texte nous la montre en train de se soumettre au pouvoir injuste des maîtres du temple. C’est la valeur de respect de soi-même et des autres qui est ainsi bafouée.

Mais les paroles que Jésus adresse à ses disciples vont nous conduire bien plus loin.

Jésus est assis et il regarde. Il appelle ses disciples et, avec solennité, il leur fait la lecture de ce qu’il voit. Il dit : « Cette veuve, qui est pauvre a jeté plus que tous ceux qui ont jeté dans le trésor ».

Jésus distingue donc, d’une part, tous ceux qui ont jeté dans le trésor et, d’autre part, la femme, comme si elle n’avait pas jeté dans le trésor mais ailleurs. Le texte, en effet, se contente de dire qu’elle a jeté, sans jamais préciser où.

Jésus ajoute que ce qu’elle a jeté à une valeur incommensurable, dépassant tout ce que contient le trésor.

Ce qu’elle a jeté est donc d’un autre ordre, qui n’a rien à voir avec tout l’or du monde.  Les deux liards, le quart de sou, sont, par leur petitesse et leur faiblesse même, les signifiants d’une autre réalité.  Laquelle ? Jésus le dit avec la plus grande clarté.

Le mot est là, dans le texte : c’est le substantif « manque » tiré du verbe manquer : « Elle, ce qu’elle a jeté est issu de son manque même ». Et Jésus ajoute « tout » : « tout, autant qu’elle avait, elle a jeté ». Le verbe « jeter » qui paraissait étrange, au début, prend tout son sens. Elle a tout jeté. Toutes ses privations. Toutes ses amputations. Toutes ses blessures et toutes ses solitudes. Toutes les exploitations dont elle a été l’objet. Où a-t-elle jeté tout cela ? Dans l’unique lieu où la délivrance de tout mal se donne et se reçoit : dans le trésor qu’est le cœur de Dieu.

Jésus est assis en face du trésor et il regarde.  Il voit, devant lui, au premier plan, la figure de  l’humanité blessée. Il voit, à l’arrière-plan, la figure de ce qui blesse l’humanité.

L’envoyé du Père pour la délivrance voit, comme en miroir, son œuvre de Salut.

Des êtres humains à guérir. Des trésors du temple à détruire.

Frères et sœurs, ce récit nous appelle à jeter nos amputations et nos faiblesses dans le cœur de Dieu.

Il les transformera en forces. Pour nous aider à servir, à guérir, à rétablir.

Et à détruire les trésors dévorants.

Père Jean-Paul Laurent sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

[1] « Au bout de trois ans, tu prélèveras toute la dîme de tes produits de cette année-là (…) ; l’immigré, l’orphelin et la veuve mangeront à satiété » (Dt 14, 28).

[2] En l’an 70, le général romain Titus s’est emparé du trésor du temple. Il y avait une telle quantité d’or que son prix s’effondra dans tout l’Empire.

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Un chant pour accompagner la prière

Venez, Dieu nous appelle

Paroles : Benoît Gschwind   Musique : Bertrand Bayle

  1. Venez, Dieu nous appelle, sa Parole nous rassemble.
    Venez, c’est jour de fête ; entrez, Dieu nous attend.
  2. Entrez, entrez avec confiance, la table déjà est préparée…
    Peuple de Dieu marqué par son passage,
    Dieu nous attend avec patience pour être son Église.
  3. Entrez, entrez dans le silence, la table déjà est préparée…
    Peuple de Dieu, d’exode en exode,
    Dieu nous attend avec patience pour être son Église.
  4. Entrez dans l’espérance, la table déjà est préparée…
    Peuple de Dieu vivant de l’Évangile,
    Dieu nous attend avec patience pour être son Église.
  5. Entrez, entrez dans l’alliance, la table déjà est préparée…
    Peuple de Dieu promis à la tendresse,
    Dieu nous attend avec patience pour être son Église.