Dimanche 3 novembre 2024

31ème dimanche ordinaire

Lectures

  • Deutéronome 6, 2-6 : Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est l’Unique.
  • Psaume 17 : Je t’aime, Seigneur, ma force.
  • Lettre aux Hébreux 7, 23-28 : C’est bien le grand prêtre qu’il nous fallait.
  • Marc 12, 28b-34 : Quel est le premier de tous les commandements ?

Lire les textes de la liturgie

Trois amours

Icône de la Miséricorde pour le jubilé 2015.

Homélie

Frères et sœurs

L’évangile de ce jour rapporte un dialogue courtois et même amical entre Jésus et un scribe à tel point que Jésus, à la fin du dialogue, lui dit : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu ». Pourtant ce dialogue amical prend place dans un contexte de polémiques rudes entre Jésus, d’une part, les scribes, pharisiens et sadducéens, d’autre part. Dans le contexte, en effet, Jésus invite à se méfier des scribes qui déambulent en grandes robes pour être salués. Il s’oppose aux sadducéens en disant qu’ils se trompent complètement lorsqu’ils ne croient pas en la résurrection des morts. Quant aux pharisiens, ils tentent de le piéger sur la question de l’impôt dû ou non à César. Tous ces adversaires de Jésus, dit le texte de Luc, cherchaient à l’arrêter. S’il y avait ainsi un tel conflit entre Jésus et les chefs religieux de son temps, c’est que Jésus tenait un discours neuf qui dérangeait, bousculait les habitudes et les pensées communes. Alors cherchons dans le texte d’aujourd’hui cette nouveauté du message de Jésus.

Le scribe aborde Jésus en lui posant une question : « Quel est le premier de tous les commandements ». Il faut savoir que la religion juive énonçait une multitude de prescriptions à observer. Le décalogue en compte déjà 10.  Mais la religion juive, comme au temps de Jésus, multipliait les prescriptions à observer. La tradition rabbinique en dénombre 613. 365 sont des commandements négatifs : « ne fais pas cela ». 248 sont positifs : « fais cela ». On peut comprendre dès lors la question du scribe qui, perplexe devant la multitude des commandements, demande à Jésus quel est le premier, le plus important, de tous les commandements.  Comment Jésus répond-il ? Ecoutons attentivement la réponse de Jésus pour discerner la nouveauté de son message.

Le premier commandement que Jésus énonce, c’est « Ecoute » : « Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique ». Cette réponse de Jésus est tout à fait conforme à la tradition d’Israël. Remarquons ici que ce commandement n’est pas de faire, mais d’entendre, de s’ouvrir à Dieu, d’écouter sa Parole dans un acte de foi. Et puis, ce n’est qu’après l’écoute, en réponse à cette écoute, que vient le commandement d’aimer Dieu : « Ecoute, Israël, notre Dieu est l’unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force ». C’est là premier commandement en deux temps qu’énonce Jésus : écoute ton Dieu et, l’ayant écouté, aime-le de toutes tes forces.

Mais Jésus continue en parlant d’un second commandement : l’amour du prochain comme de soi-même. Remarquons que, dans la parole de Jésus, ce second commandement (l’amour du prochain comme de soi-même) et le premier (l’amour de Dieu) sont considérés non pas comme deux commandements, mais comme un seul : « Il n’y a pas de commandement plus grand (au singulier) que ces deux-là ». Deux commandements, donc, qui n’en font qu’un ; deux commandements ramenés à un seul.  Remarquons bien comment Jésus va expliciter ce commandement unique.  Dans le propos de Jésus, ce commandement unique de l’amour se déploie non pas en deux directions comme on le pense souvent – l’amour de Dieu et l’amour du prochain – mais en trois directions : dans l’exercice conjoints intimement liés de trois amours : l’amour de Dieu, l’amour du prochain et l’amour de soi-même.  « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même ». Trois amours donc : de Dieu, du prochain et de soi-même. Un seul commandement de trois amours distincts et liés, qui ensemble forment en quelque sorte un cercle vertueux.

Mais, après le relevé des trois amours, avançons dans notre réflexion ; elle pourrait nous réserver des surprises. Comment comprendre l’articulation des trois amours ? Et surtout, comment y entrer ? Par quelle porte ?

Aimer Dieu ? Mais puis-je avoir l’assurance d’aimer Dieu de toutes mes forces ? Non. Aimer son prochain ? Mais puis-je avoir l’assurance d’aimer mon prochain de tout mon être ? Non. Je n’ai au départ qu’une assurance : non pas celle d’aimer vraiment, mais celle d’être aimé. Et cette assurance d’être aimé, je la reçois de l’écoute de Dieu lui-même qui m’assure de son amour. « Ecoute Israël. » Que dit Dieu ? Dans l’ancien Testament, Dieu dit qu’il est le libérateur de son peuple, le pasteur qui prend soin de son troupeau, le guide qui le conduit vers la terre promise, le Dieu créateur qui dit : « Moi, aujourd’hui, je t’ai engendré ».  Et dans le Nouveau Testament, la parole que Dieu est plus claire encore : Dieu est amour, et, comme le dit l’apôtre Paul, « rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu, rien ! » (Rm 8,38). Autrement dit, c’est là la seule assurance que nous ayons, non pas celle d’aimer vraiment, mais celle d’être aimés et cela inconditionnellement.

Mais alors, si Dieu m’aime ainsi inconditionnellement, c’est que je suis aimable et que je puis m’aimer moi-même tel que je suis sous le regard aimant de Dieu. Frères et sœurs, mesurons l’importance de cette affirmation : tout commence dans la foi et la vie chrétiennes par l’écoute ; par l’écoute d’une parole qui nous assure d’être aimés. Tout commence par l’assurance d’être aimable, tout commence par l’assurance que l’amour reçu m’habite, que l’amour est en moi et que, dès lors, je puis m’aimer et rendre cet amour reçu à Dieu et aux autres.  J’entre alors autant que je le puis, même si ce n’est jamais parfait, dans ce cercle vertueux, dynamique et vivifiant où l’amour de Dieu, l’amour d’autrui et l’amour de soi sont liés, se confortent, se nourrissent et s’appuient mutuellement.

Ce que je dis ici rejoint les sciences psychologiques. Nous le savons, un enfant qui n’a pas été aimé, qui a été maltraité, ne se sent pas aimable et éprouve dès lors de la peine à aimer. A l’inverse, un enfant qui a été aimé, se sent aimable et devient capable de rendre aux autres l’amour dont il a été aimé.

Je le disais tout à l’heure. Dans la vie et la foi chrétiennes tout commence par l’assurance d’être aimé inconditionnellement.  Tout commence en ce sens par l’amour de soi puisé dans l’assurance d’être aimé par Dieu. Mais il arrive souvent que des personnes ne s’aiment pas, ne s’aiment plus, n’ont plus d’estime d’elles-mêmes à cause de leurs limites, de leurs fautes ou de leurs échecs passés. Alors ces personnes traînent leur vie comme un boulet, avec regret, en se détestant, en se méprisant à cause du passé ou du présent comme si elles n’étaient plus dignes d’être aimées.  La foi chrétienne nous sauve de cette pente mortifère, du cercle vicieux de la mésestime de soi-même. Elle nous restitue, elle nous restaure dans l’estime de nous-mêmes au nom d’un Dieu qui aime inconditionnellement et nous redit toujours – sans exception – : « Tu es digne d’être aimé(e)» et capable d’aimer en retour, Dieu et ton prochain comme toi-même.

Qu’il en soit ainsi, au plus intime de nous-mêmes, pour chacun et chacune. Pour notre joie.

Père André Fossion sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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Un chant pour accompagner notre méditation

Aimer, c’est tout donner

D’après Sainte Thérèse de Lisieux et 1 Co 13 – Musique : Frère Ephraïm (Emmanuel)

Aimer c’est tout donner (ter)
Et se donner soi-même !

  1. Quand je parlerais les langues des hommes et des anges
    Si je n’ai pas l’amour, je suis comme l’airain qui sonne
    Ou la cymbale qui retentit.
  2. Si je prophétisais et connaissais tous les mystères
    Si j’avais la foi à transporter les montagnes
    Sans l’amour je ne suis rien.
  3. Quand je distribuerais ce que je possède en aumônes
    Et si je livrais mon corps à brûler dans les flammes
    Cela ne me sert de rien.