Dimanche 12 mars 2023

Troisième dimanche de Carême (A)

Lectures

  • Exode 17, 3-7 : Tu frapperas le rocher….
  • Ps 94 : Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur mais écoutez la voix du Seigneur.
  • Romains 5, 1-2. 5-8 : L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint..
  • Jean 4, 5-42 : Une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle.

Lire les textes de la liturgie

La femme, abandonnant sa cruche,
s’en fut
(Jn 4, 5-42)

 

La Samaritaine
Fresques du monastère de l’Emmanuel à Bethléem (1978/9)

L’église du monastère de Bethléem est située au bord du mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie occupée. Elle a été ornée de fresques par les frères roumains Gabriel et Michel Moroshan, entre la fin de l’année 1978 et Pâques de l’année suivante. Les peintres ont travaillé en priant et en jeûnant, parfois accompagnés du son de la cithare dont jouait l’une des sœurs.

Les images accompagnant les homélies du Carême 2023 à la Chapelle Universitaire sont des reproductions tirées du livre Fresques de Bethléem, contemplation de la Parole, Salvator 2014. Elles accompagneront notre chemin de Pâques avec Jésus, en communion avec ces deux peuples, israéliens et palestiniens, à nouveau en un terrible conflit.

 

L’homélie

Frères et Sœurs,

Nous venons d’entendre le récit de la rencontre de Jésus et de la samaritaine. Comme toujours dans l’évangile, les rencontres de Jésus avec une personne particulière sont, chaque fois, des événements. Pensons, par exemple, à la rencontre de Jésus avec Nicodème, avec Zachée, avec Simon, avec la femme adultère, avec l’aveugle-né, etc. Chaque fois, il s’y passe quelque chose.  Ces rencontres bouleversent, apportent du neuf, changent le cours de vie, modifient la perception des choses. C’est le cas ici dans la rencontre de Jésus et de la samaritaine.

Le récit de Jean est assez long, plus que de coutume, et complexe, comme vous l’avez remarqué. Le récit est très construit. Rien ne vient au hasard. Chaque mot est pesé et vient à sa place. Tout prend un sens à l’intérieur d’un ensemble. Ainsi le texte ne se donne pas simplement à lire, mais à déchiffrer comme une énigme. Ce qui demande du travail. Alors efforçons-nous d’y entrer un peu.

Remarquons tout d’abord que Jésus est décrit en mouvement. Il traverse les frontières. Il quitte la Judée et regagne la Galilée en passant par la Samarie. Trois territoires distincts donc. Jésus traverse des frontières géographiques, mais aussi des barrières ethniques, religieuses et de genre. Jésus s’adresse à une samaritaine : « Donne-moi à boire ». Or, souligne le texte, « les juifs ne veulent rien avoir de commun avec les samaritains » qui sont d’une autre ethnie et appartenance religieuse. De surcroît, il n’est pas dans la coutume qu’un homme s’adresse à une femme. « Comment, toi un juif, tu me demandes à moi à boire, une femme samaritaine ! ». Les disciples arrivant sur la scène, « sont stupéfaits de voir Jésus parler avec une femme ». Premier bouleversement donc : transgression des frontières géographiques, ethniques, religieuses et de genre.

Vient ensuite un deuxième bouleversement, qui concerne cette fois les lieux de culte. Les samaritains adorent Dieu sur le mont Garizim, haut lieu du culte samaritain. Les Juifs adorent à Jérusalem, la Ville Sainte. Jésus annonce la fin de cette division cultuelle. « L’heure vient où les vrais adorateurs adoreront Dieu non pas ici ou là, mais en esprit et en vérité » ; c’est dire que le véritable sanctuaire de Dieu se trouve à l’intime de l’homme. Le cœur humain est le sanctuaire de Dieu, le temple de Dieu : là où Dieu se laisse rencontrer, là où il parle et fait alliance. Mesurons l’importance de ce bouleversement : Dieu n’est ni à Jérusalem, ni sur le mont Garizim, ni à Rome ni à la Mecque, mais il est là au cœur de l’homme, à l’intime de l’être humain, Temple de Dieu.

Nous ne sommes pas au bout des bouleversements dont témoigne le texte. Un troisième bouleversement concerne, cette fois, ce qui est demandé et ce qui est donné. Jésus et la samaritaine sont au bord d’un puits. Un puits, surtout dans un pays chaud et désertique, c’est vital. On y vient pour puiser en profondeur ; et c’est la vie pour les humains, pour les animaux, pour la terre afin qu’elle produise du fruit.  Au départ, c’est Jésus qui demande de l’eau, une eau qui étanche la soif physique.  Puis, le rôle des partenaires change ; Jésus se met en position de donateur.  « Si tu savais le don le Dieu et qui te demande de l’eau, c’est toi qui aurais demandé de l’eau et il t’aurait donné de l’eau vive ». Ce qui est offert au cours de l’échange, ce n’est plus de l’eau qui étanche la soif, c’est une eau qui fait qu’on a plus soif et qui, de plus, est source de vie éternelle. Comme l’eau à Cana est changée en vin, ici, l’eau qui désaltère le corps est transformée en eau jaillissant en vie éternelle. C’est l’économie du désir qui est ici radicalement reconfigurée. Du besoin d’eau, on passe au désir de vie et, plus encore, de vie éternelle. Bouleversement, reconfiguration et transformation du désir.
Mais nous ne sommes pas au bout des bouleversements que relate le récit.

Vient un quatrième bouleversement qui concerne, cette fois, la reconnaissance de l’identité de Jésus.  Au départ, pour la femme, Jésus est un homme juif. Puis, dans la conversation, se pose la question de son identité. « Si tu savais qui parle, c’est toi qui lui aurais demandé de l’eau vive ». La femme l’appelle ensuite Seigneur et, devant l’offre d’une eau vive, la femme se pose la question de savoir si cet homme qui lui offre de l’eau vive ne serait pas, enfin, l’homme qu’elle attend alors qu’elle en a eu plusieurs. Jésus le perçoit et la détourne de cette perspective en disant à la femme : « Appelle ton mari ». Non, il n’est pas l’homme qu’elle peut désirer. Le désir de la femme est réorienté : réorienté vers le salut qui vient.  Jésus, alors, après avoir été appelé Seigneur, puis prophète, se déclare lui-même le Messie : « Je le suis moi qui te parle ». La femme abandonne sa cruche et s’en court ; pour elle, une nouvelle vie commence.

C’est alors, cinquième bouleversement, la foi du peuple qui va être transformée. La femme court en ville pour dire ce qui lui est arrivé. « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait, ne serait-ce pas le Christ ? ». Vient alors, à la fin du récit, l’accueil de Jésus par les samaritains qui le reconnaissent comme le Sauveur du monde. Il n’est plus question de la femme, mais de la ville et des gens – des samaritains – qui le reçoivent non pas comme leur sauveur à eux, mais comme le sauveur du monde. Quant à Jésus, il s’adresse à ses disciples en parlant de la moisson qui se lève : « Regardez, déjà les champs sont blancs pour la moisson ». Témoignage que les choses, dans le monde, sont en pleine transformation vers leur accomplissement.

Frères et sœurs, ce récit de la rencontre de Jésus et de la samaritaine est riche en bouleversements. Risquons-nous à en tirer quelques leçons pour la vie, pour notre vie commune. D’abord, franchir les barrières qui nous séparent. Transgresser les frontières de tous genres qui nous divisent. Et, ensuite, entrer en conversation avec autrui, échanger, demander et recevoir des autres. Et là, dans la conversation, s’interroger, chacun et ensemble, sur le désir qui nous traverse. Vers quoi le désir nous porte-t-il ? Car un désir peut en cacher un autre, plus profond. C’est alors le moment d’affiner les désirs qui nous habitent pour désirer mieux et davantage. C’est le moment aussi d’entendre la parole de Jésus qui dit : « Si tu savais le don de Dieu et qui te parle, c’est toi qui lui aurais dit “Donne-moi à boire” et il t’aurait donné de l’eau vive » ; l’eau vive, source jaillissant en vie éternelle.

Soyons aujourd’hui la samaritaine qui abandonne sa cruche et poursuit sa route, avec les siens, forte de désirs transformés, vers de nouveaux horizons. Vers la vie éternelle.

Père André Fossion sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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Un chant pour accompagner notre méditation

Si tu savais le don du Fils de Dieu

Paroles d’après Jean 4   Musique : M. Penhard  N° 05-53

Si tu savais le don du Fils de Dieu,
T
u le prierais de te donner à boire.

  1. Le Seigneur nous a aimés jusqu’à mourir sur une croix.
    Par sa mort, il a vaincu la mort et nous donne la vie.
  2. Seigneur, donne-moi de cette eau, pour que je n’aie jamais soif.
    L’eau que Jésus te promet, c’est l’Esprit Saint, source de vie.
  3. Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, celui-là, et qu’il boive.
    S’il croit en moi, de son sein jailliront des fleuves d’eau vive.