Dimanche 22 janvier 2023

Troisième dimanche ordinaire (A)

Lectures

  • Isaïe 8, 23b à 9, 3 : Tu as prodigué la joie.
  • Psaume 26 : Le Seigneur est ma lumière et mon salut.
  • 1 Corinthiens 1, 10-13.17 : Qu’il n’y ait pas de division entre vous.
  • Matthieu 4, 12-23 : Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes.

Lire les textes de la liturgie

Levez-vous !

Duccio di Buoninsegna , vers 1255-1319,
Jésus appelle ses premiers disciples (1308), National Gallery Art, Washington D.C.

 

 

L’homélie

Frères et Sœurs,

Frères et sœurs, dans ce récit de saint Matthieu, Jésus prononce une injonction : « Convertissez-vous car le royaume des cieux est proche ».

Cette formule impérative est la reprise, mot pour mot, des paroles énoncées par Jean le Baptiste dans le chapitre précédent de l’évangile (3,2).

Saint Matthieu nous appelle, ici, à faire un intéressant exercice d’interprétation de texte.

Ce sont les mêmes mots qui sortent de la bouche de Jean le Baptiste puis de Jésus mais, quand ils les prononcent et là où ils les prononcent, ces mots sont porteurs de significations différentes et même opposées. Tentons de le comprendre.

Observons bien qu’il y a ce que l’on pourrait appeler le « monde » de Jean le Baptiste et le « monde » de Jésus. Jean le Baptiste est le dernier prophète au sens de l’Ancien Testament. Il est, en quelque sorte, à la jointure de celui-ci et des Evangiles. Il vit comme un ascète dans le désert. Il fait pénitence. Ses vêtements sont faits de poils de chameau et il se nourrit de sauterelles. Son environnement, c’est le désert et le fleuve Jourdain où l’on se fait baptiser dans l’eau « en avouant ses péchés » (3, 6).

En réalité, dans le monde de Jean le Baptiste, on trouve une relation à Dieu qui est faite de peur et de repentir. Il s’agit d’échapper à la colère et à la punition de Dieu en confessant ses fautes. Le Baptiste s’adresse à certains de ceux qui demandent le baptême en leur disant : « Ne fuyez pas la colère de Dieu, convertissez-vous » (3,7).

On est proche du psaume 107 : « Certains habitaient dans les ténèbres et l’ombre de la mort car ils s’étaient révoltés contre Dieu. Ils crièrent vers le Seigneur dans leur détresse » (10).

Dans le monde de Jean le Baptiste, on se convertit pour se conformer à un Dieu sévère.

« Convertissez-vous car le royaume des cieux est proche », voilà un impératif qui pourrait bien résonner comme une menace !

Mais il y a un « après Jean le Baptiste ». Avec saint Matthieu, passons au monde de Jésus.

Lorsqu’il entend que Jean a été livré, Jésus se lève et prend la relève. Il quitte Nazareth où il habitait avec Marie et Joseph. Une étape est franchie. Une page est tournée.

Tout, alors, dans le texte, devient déplacement et dépassement.

Jésus se déplace. Il dépasse le désert et le Jourdain. Il va « au-delà ». Aux frontières. Au carrefour des nations. Aux confins des territoires de Zabulon et de Nephtali, là où s’ouvrent des chemins vers la mer. On dirait que Jésus cherche comme un scientifique qui met son modèle à l’épreuve ou comme un artiste qui découvre son style. Il explore les limites et les bordures des terres et des pouvoirs de la terre. Des pouvoirs terrestres qui, souvent, nous le savons, maintiennent les peuples assis dans l’ombre de la mort. Jésus se lève et il vient faire se lever la lumière pour que s’approche le pouvoir des cieux qui est libérateur du mal et de la mort.

Jésus, nous dit Matthieu, vient à Capharnaüm. Ce nom-là signifie « village de la consolation ». Là où la tristesse se change en joie, là où celui qui est assis se lève, là où le prisonnier est libéré, où la menace se change en grâce.

A cet endroit de son récit, saint Matthieu utilise une formule qui ne vient que deux fois dans son évangile. Il dit : « A partir de là, Jésus commença… ». Par ces mots Matthieu avertit qu’on est à un tournant du récit. Ce sera le cas au moment de l’annonce de la Passion. Et c’est le cas, ici.

Saint Matthieu nous fait entendre que, dorénavant, le « monde » de Jésus est en marche. Trois évènements se produisent : Jésus commence à proclamer, Jésus marche au bord de la mer et Jésus parcourt la Galilée entière pour enseigner, guérir toute maladie et toute faiblesse et proclamer encore. Reprenons ces évènements en commençant par le dernier.

Jésus soigne, enseigne, proclame. Il guérit et libère les humains des maux qui les rongent. Il chasse les mauvais esprits, il guérit de la culpabilité, il encourage l’estime de soi, il promeut une foi adulte en un Dieu d’amour.

Deuxième évènement : Jésus marche sur les bords de la mer. Il voit des hommes astreints à des tâches routinières et répétitives. Ce sont des pêcheurs. Ils manient un objet lourd de signification : le filet.

Les uns lancent leur filet dans la mer, les autres sont assis et réparent leurs filets. Les filets sont des prisons pour les poissons et pour les pêcheurs de poissons. Filets des souffrances infligées et filets des souffrances endurées. Filets qui attachent et filets qui séparent. Et Jésus leur dit de laisser là leurs filets. Je ferai de vous des pêcheurs d’humains. Vous les sauverez des noyades et du chaos. Je ferai de vous des réparateurs d’humain, artisans d’alliances et de relations.

Jésus se lève et les disciples se lèvent. Et ils aident des humains à se lever.

Enfin Jésus proclame. D’abord, il proclame les paroles de Jean le Baptiste. Il les prend à son compte mais il va en changer le sens. Car, dans toute la Galilée, ce que Jésus proclame, c’est, nous dit Matthieu, la Bonne Nouvelle, celle qui soigne et qui libère. Celle qui fait reculer l’ombre de la mort.

« Convertissez-vous ».  L’occasion nous est ici donnée de bien traduire : ce verbe signifie littéralement « Changez-vous », levez-vous, ne restez pas assis, quittez vos filets. Changez le monde. Changez les royaumes de la terre.

« Car le royaume des cieux est proche ». Littéralement. Car le royaume des cieux, c’est la Bonne Nouvelle. C’est quand des humains se lèvent.

        Père Jean-Paul Laurent sj

Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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Un chant pour accompagner notre méditation

Pour accomplir les œuvres du Père

Paroles : Didier Rimaud – Musique : Jacques Berthier

  1. Pour accomplir les œuvres du Père
    En croyant à celui qui a sauvé le monde,
    Pour témoigner que Dieu est tendresse
    Et qu’il aime la vie et qu’il nous fait confiance,
    Pour exposer ce temps à la grâce
    Et tenir l’univers dans la clarté pascale.

L’Esprit nous appelle à vivre aujourd’hui,
A vivre de la vie de Dieu.
L’Esprit nous appelle à croire aujourd’hui,
A croire au bel amour de Dieu.

  1. Pour découvrir les forces nouvelles
    Que l’Esprit fait lever en travaillant cet âge,
    Pour nous ouvrir à toute rencontre
    Et trouver Jésus Christ en accueillant ses frères,
    Pour être enfin le sel, la lumière,
    Dans la joie de servir le Serviteur de l’homme.
  2. Pour inventer la terre promise
    Où le pain se partage, où la parole est libre,
    Pour que s’engendre un peuple sans haine
    Où la force et l’argent ne seront plus les maîtres,
    Pour annoncer le jour du Royaume,
    Sa justice et sa paix qui briseront les guerres.
  3. Pour épouser la plainte des autres
    En berçant le silence au plus secret de l’âme,
    Pour assembler les pierres vivantes
    Sur la pierre angulaire où se construit l’Eglise,
    Pour entonner un chant d’espérance
    Dans ce monde sauvé et qui attend sa gloire.