Dimanche 27 février 2022
Huitième dimanche ordinaire (C)

Le bon arbre se reconnaît à ses fruits

Luc 6, 39-45

Textes de la liturgie (à consulter ici)

  • Siracide 27, 4-7 : C’est le fruit qui manifeste la qualité de l’arbre.
  • Psaume 91 : Il est bon Seigneur, de chanter pour toi !
  • 1 Co 15, 54-58 : Prenons une part active à l’œuvre du Seigneur.
  • Luc 6, 39-45 : Le bon arbre se reconnaît à ses fruits.

“La Parabole des aveugles”, Pieter Brueghel l’Ancien,  1568,
Musée Capodimonte de Naples.

L’homélie

Chers frères et sœurs,

L’évangile d’aujourd’hui provient de la dernière section du sermon sur la plaine, qui est la version de saint Luc du sermon sur la montagne chez saint Matthieu. C’est une continuation de l’enseignement que nous avons entendu dimanche dernier qui s’est terminé par l’exhortation à faire miséricorde, à pardonner au lieu de juger et de condamner. Le passage de ce dimanche continue dans la même veine, avec des conseils pratiques qui constituent le nœud et le défi de ce que signifie être un disciple.

Le passage commence par les mots : Jésus disait à ses disciples en parabole. En fait, ce n’est pas une seule parabole mais quatre petites paraboles – celle de l’aveugle, celle du disciple avec son maître, celle de la paille et de la poutre et enfin l’arbre et le fruit qu’il porte. Cet enseignement est si riche et diversifié, qu’on peut se demander : « Y a-t-il un enseignement d’ensemble que je peux recevoir ? »

Peut-être le nœud du message réside-t-il dans la dernière parabole de l’arbre et de son fruit, image que l’on retrouve également dans la première lecture de Ben Sira. Nous savons que le livre de Ben Sira le Sage, un des livres sapientiaux écrit vers 200 av. J.-C, est un recueil de maximes et de courtes réflexions sur la vie en générale. Il s’agit de la « Sagesse », représentée comme une personnification de la Sagesse divine. Vivre avec elle, c’est vivre avec Dieu.

Dans ce passage, Ben Sira médite sur un des critères infaillibles de jugement pour soi-même, à savoir nos paroles. « C’est le fruit qui manifeste la qualité de l’arbre ; ainsi la parole fait connaître les sentiments » nous dit l’auteur. Certes, il est bien possible que l’on puisse utiliser les mots prétentieux et artificiels pour nous montrer sous notre meilleur jour. Mais, ici, il s’agit de tout ce qui sort de l’intérieur qui est le véritable reflet de ce que nous sommes. Il s’agit de l’authentique fond de notre cœur qui se traduit dans nos paroles.

Des lors, l’auteur nous interpelle à examiner ce fruit extérieur que nous portons dans notre vie quotidienne : “De quelle qualité sont les fruits de nos lèvres ?” Paroles blessantes et méchantes ? Paroles superficielles et inutiles ? Ou bien, paroles bienveillantes et réconfortantes ? Paroles pleines d’action de grâce, de miséricorde et de pardon ? De l’arbre que je suis, quels sont les fruits que les autres peuvent recevoir de mes paroles ?

Deux cents ans plus tard, quand Jésus dispense le même enseignement à ses apôtres, il ne restreint pas les fruits de l’arbre à la parole. Il l’élargit à tout notre être. Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. Mais, comment devenir un bon arbre ? C’est à cette question qu’il faut répondre. Voici quelques pistes que nous pouvons tirer des lectures d’aujourd’hui.

La première se trouve dans la parabole de l’aveugle. Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ici, Jésus parle de l’importance de se connaître. Celui qui souhaite être témoin du message du Christ ne peut pas être aveugle à la réalité intérieure et extérieure. La réalité comprend nos forces et nos faiblesses, nos pensées, nos sentiments, nos actions et nos habitudes. Cela n’exclut pas les structures de la société parfois d’injustice et de violence. Celui qui souhaite être un disciple du Christ a besoin d’être illuminé par la conscience profonde qu’il a de soi. Saint Ignace insiste là-dessus, lorsqu’il parle de l’importance de l’examen de conscience qui est lui-même une forme de prière.

La parabole de la poutre et de la paille dans l’œil continue avec le même message. « Comment peux-tu dire à ton frère : “Laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil”, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? » Cela me rappelle une anecdote de Gandhi, l’ascète indien qui a conduit à l’indépendance. Une fois, une femme a amené son fils qui avait une addiction aux sucreries, pour être conseillé par Gandhi. Étonnamment, il leur a dit de revenir après deux semaines. Deux semaines plus tard, lorsque le garçon fut ramené, Gandhi le conseilla avec succès. Lorsqu’on lui a demandé plus tard pourquoi il ne l’avait pas conseillé tout de suite, Gandhi a répondu qu’il avait lui-même besoin de deux semaines pour travailler sur sa propre dépendance aux sucreries.

N’est-il pas vrai qu’il est facile de dire ce que les autres doivent faire ou ce qui doit être fait pour améliorer la vie, mais qu’il est difficile de faire la même chose dans notre vie personnelle ?

N’est-il pas vrai que je suis tellement préoccupé par les problèmes de mon travail et de ma vie quotidienne que je ne regarde pas l’arbre que je suis et que je n’en prends pas soin de manière à ce qu’il porte de bons fruits ?

Un dernier mot avant de terminer. N’oublions pas que c’est le Seigneur lui-même qui fait de nous l’arbre qui porte de bons fruits. Tout ce qu’il exige de nous, c’est une disposition à être formé et transformé. Il nous demande l’humilité pour reconnaître ce que nous sommes.

L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon, nous dit l’Évangile. N’oublions pas que Dieu habite nos cœurs. C’est par là que nous pouvons tirer de sa Bonté les bons fruits que nous produisons. AMEN.

Père Thomas Madanu s.j.
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

Télécharger le PDF de l’homélie

Pour accompagner la prière

Partage

Paroles et musique : Odette Vercruysse

  1. Seigneur, quand je rencontre mon frère, que je croise son regard,
    Pour que mon jugement reste dans ta lumière,
    Oh, donne-moi tes yeux, ô Jésus, ô donne-moi tes yeux.
  2. Seigneur, quand je rencontre la haine qui me barre le chemin
    Pour que mon cœur humain soit plus fort que ma peine,
    Oh, donne-moi ton cœur, ô Jésus, ô donne-moi ton cœur.
  3. Seigneur, quand je rencontre mon frère et qu’il porte son chagrin,
    Pour que mon amitié console sa misère
    Oh, donne-moi tes mains, ô Jésus, ô donne-moi tes mains.
  4. Seigneur, quand je suis seul sur la terre, isolé parmi les miens,
    Pour que demeure en moi ta paisible lumière
    Oh, donne-moi ton amour, ô Jésus, ô donne-moi ton amour.