Homélie

Frères et sœurs,

nous avons si souvent entendu la parabole du « Fils prodigue » que nous risquons d’en oublier son actualité et d’en rester à l’image surplombante d’un père tendre et miséricordieux qui permettrait à l’humanité de continuer de vivre ses conflits, malheureuse et impuissante, incapable de faire la paix. Il est bon que Saint Paul bouscule nos consciences, lui qui nous rappelle que Dieu « nous a réconciliés avec lui par le christ » et qui nous engage nous-mêmes sur le chemin de la réconciliation : « il nous a donné le ministère de la réconciliation ». (2Co 5, 18)

Quand j’entends ces personnes qui viennent en confession ou en permanence d’écoute et qui sont au cœur de conflits familiaux inextricables, quand je sens combien les équipes dans lesquelles nous œuvrons sont fragiles et menacées par la discorde, quand j’écoute l’actualité où des nations s’entredéchirent parce que certains ont voulu prendre le pouvoir sur d’autres, quand l’image de l’Église est devenue telle que nombreux veulent la quitter, je ne peux que soupirer et crier avec Saint Paul : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu ! » (2 Co 5, 20) au risque de n’être pas entendu parce que je suis moi-même partie prenante de ces conflits, à ma manière !

Le Fils Prodigue c’est une histoire de famille. Un des fils, le plus jeune, prend tout ce qui lui revient et se perd en dilapidant son existence, l’autre au contraire se réserve égoïstement et reste tranquillement dans l’opulence quotidienne où il se trouve, reprochant à son frère d’avoir tout perdu. C’est l’histoire de notre humanité. Depuis toujours, rappelez-vous : Caïn et Abel, Jacob et Esaü, Joseph et ses frères, les Hébreux et les Égyptiens, Israël et les nations qui l’entourent, aujourd’hui l’Europe à nouveau menacée par la guerre, alors qu’elle était dans une paix toute relative depuis 1945. Le Fils Prodigue c’est l’histoire du péché ! Le fils perdu en esclavage dans les désordres du monde, dans les haines et les jalousies, dans les incompréhensions et les révoltes, les refus d’écouter parce qu’on n’est pas entendu… Quand donc l’abcès sera-t-il percé ?

Saint Paul nous sort du cercle vicieux et ouvre notre cœur : « Laissez-vous réconcilier au nom de Jésus ! » Jésus, le Christ, celui qui vient nous révéler Dieu, son Père, notre Père, et nous dire que tout est possible en Lui, par Lui, avec Lui.  Devant le spectacle du monde, nous pouvons, nous devons, croire en l’amour invincible et éternel de ce Dieu qui donne, re-donne, par-donne… C’est le seul chemin de notre salut, de notre réconciliation.

Au début de l’histoire, il y a la demande du plus jeune fils : « Donne ! ». Et nous avons entendu la réaction surprenante du père qui lui donne, sans discuter, ce qui lui revient. Sans sourciller, le fils exige : « Donne-moi la part de fortune qui me revient ! » A la fin de l’histoire, le père rappelle au fils aîné que tout cela, il le lui a donné tout au long de son existence : « Tout ce qui est à moi et à toi. » Qui donc est Dieu pour nous donner ainsi tout ce qui fait notre vie et notre humanité ?

Il nous a tout donné pour que nous en fassions bon usage, comme il avait donné au peuple la terre qu’il lui avait promise, en lui faisant produire les meilleurs fruits… comme nous l’avons entendu dans la première lecture (Jos 5, 10-12).

Quand le plus jeune fils reçoit le plus beau vêtement et la bague de l’alliance qu’il avait rompue, réalise-t-il que son père lui a tout donné depuis le sein de sa mère jusqu’à ce jour où il renaît ? Et le fils aîné a-t-il jamais réalisé que tout ce qui appartient à son père est à lui, depuis toujours ?
Et nous, avons-nous vraiment conscience que Dieu donne TOUT à chacun des deux fils et donc TOUT à chacun d’entre nous aussi, pour toujours ?

Nous ne savons pas ce qu’a fait le fils aîné après avoir entendu son père, ni même le fils cadet… Jésus ne le dit pas dans sa parabole. Comme après un bon film, notre imagination peut tout envisager. Peut-être ont-ils fini par se retrouver et s’embrasser dans la fête. Ou, au contraire, n’ont-ils pas plutôt continué de se haïr et de se rejeter, voir de s’entretuer ? Effectivement depuis vingt siècles la suite de l’histoire n’est pas aussi belle, elle est plutôt comme un cauchemar…

Et pourtant des femmes et des hommes, en leur temps et aujourd’hui encore, après avoir entendu cette parabole de Jésus et nous l’avoir transmise, ont compris qu’il leur fallait vivre autrement, sûrs de la fidélité et de la tendresse de Dieu dont le don ne sera jamais épuisé. C’est toute l’histoire de l’évangélisation, qui a porté de si beaux fruits. Mais vingt siècles plus tard, il y a encore beaucoup à faire !

C’est donc à nous maintenant d’agir…

« Laissez-vous réconcilier, je vous le demande au nom du Christ. »

Père Henri Aubert sj
Communauté Notre-Dame de la Paix. Namur

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La prière universelle de ce dimanche

Le célébrant : En ce troisième dimanche de Carême, nous confions à Dieu notre Père, nos frères et sœurs, proches et lointains.

Refrain : Entends le cri des hommes monter vers toi Seigneur.

1. A l’invitation du pape François, prions pour que les familles divisées puissent trouver dans le pardon la guérison de leurs blessures, en redécouvrant la richesse de l’autre, au cœur même des différences.
   Nous t’en prions Seigneur.
2. Nous sommes bousculés et inquiets devant l’évolution des conflits en Ukraine, à Gaza, à l’est du Congo, et en tant de pays. Seigneur, éclaire par ta sagesse, le cœur de tous les gouvernants, pour qu’ils trouvent, dans la négociation, une paix juste et équitable.
   Nous t’en prions Seigneur.
3. Nous te confions, Seigneur, les catéchumènes qui se préparent à recevoir les sacrements de l’initiation à Pâques, et particulièrement Alice, membre de notre communauté. Aujourd’hui ils ont commencé le parcours des trois scrutins. Ils sont invités à la conversion : ils veulent se tourner vers toi Seigneur, pour vivre à ta lumière. Eclaire-les sur ce chemin de résurrection.
4. Nous te confions, Seigneur notre communauté ici rassemblée. Donne-nous le courage de poursuivre le chemin de Carême que nous avons entrepris il y a quelques semaines, par le jeûne, la prière et le partage, nous aussi en vue de notre conversion.
   Nous t’en prions, Seigneur.

Le célébrant : Dieu miséricordieux, reçois nos prières suscitées par ton Esprit, nous te le demandons par Jésus, le Christ, ton Fils, notre Seigneur. Amen.

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