Dimanche 4 août 2024
Dix-huitième dimanche du temps ordinaire (B)
Lectures
- Exode 16, 2-4.12-15 : Je vais faire pleuvoir du pain pour vous.
- Psaume 77 : Le Seigneur donne le pain du ciel.
- Éphésiens 4, 17.20-24 : Revêtez-vous de l’homme nouveau.
- Jean 6, 24-35 : Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ?
Lire les textes de la liturgie
Les miracles ne suffisent pas.
La Manne venue du ciel. Bible de Maciejowski, Paris, 13ème siècle
Morgan Library, New York.
Homélie
Frères et sœurs,
Nous avons commencé la semaine dernière la lecture du chapitre 6 de l’évangile de saint Jean. Elle se poursuivra de dimanche en dimanche jusqu’à la fin de ce mois. Tous les trois ans en effet, la liturgie nous propose au cœur de l’été, une longue et belle méditation sur la foi au Christ, sur l’action de Dieu dans nos vies, sur le sens de l’Eucharistie, dont le récit de la multiplication des pains de la semaine dernière était la préfiguration. C’est le « discours sur le pain de vie », que Jésus prononce traditionnellement dans la synagogue de Capharnaüm.
La foule avait pressenti que Jésus était le prophète annoncé, venu le sauver et lui redonner toute la gloire du Royaume d’autrefois. Alors ils avaient voulu le faire roi, car ils se disaient qu’il allait certainement leur assurer le pain comme Elisée l’avait fait en son temps ou comme nous venons de l’entendre quand Dieu fait tomber la manne dans le désert pour nourrir le peuple affamé.
Mais Jésus n’est pas venu pour être un roi terrestre qui pallie tous les manques d’une société. C’est pourquoi il s’était retiré dans le désert, seul avec son Père.
Il avait laissé les disciples reprendre la mer, en traversant le lac pour rejoindre Capharnaüm. En quelques versets, que la liturgie ne nous donne pas à entendre, Jean décrit l’état d’esprit des disciples, ils rament au milieu d’une mer houleuse, ils sont perdus car ils n’ont pas compris ce que Jésus vient de faire. Et ils sont saisis de peur quand Jésus vient à eux dans la nuit. Ils ont besoin de sa parole réconfortante : « C’est moi, n’ayez plus peur ! » (Jn 6 16-21)
N’est-ce pas ce qui nous arrive à nous aussi quand nous prenons le temps de savoir qui est Jésus pour nous, au-delà de celui que nous célébrons, plus ou moins machinalement, en assistant à la messe ?
Il nous arrive, comme les disciples, d’être dans la nuit, la nuit de la foi : qui donc es-tu pour te donner ainsi à nous dans cette hostie, ce petit bout de pain ? qui donc es-tu Jésus pour nous aimer ainsi ?
Aujourd’hui, Jésus commence à donner à la foule et aux disciples l’explication du signe qu’il leur a donné en multipliant les pains. Ecoutons ce qu’il nous dit avec toute notre mémoire, notre intelligence, notre volonté.
« Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif ». C’est ainsi que s’achèvent les versets d’aujourd’hui. Cela nous renvoie bien sûr à la parole que Jésus dit à la Samaritaine dans le récit précédent de l’évangile de Jean : « Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif, l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissante en vie éternelle. » (Jn 4, 14) La faim, la soif, ce sont les rappels que notre corps est en manque ; s’il n’est pas rassasié, s’il n’est pas désaltéré, il risque bien de mourir. La faim et la soif soulignent en notre propre corps que nous sommes mortels et qu’un jour nous traverserons les ravins de la mort. L’actualité nous dit combien cette faim peut être prégnante, combien elle est la conséquence de la haine et de la violence, et touche d’abord les plus démunis… dans la Bande de Gaza, en Erythrée, en Haïti…
Mais la faim et la soif, comme la mort, chaque jour nous en faisons la douloureuse expérience, dans nos rencontres dans nos échanges… Bien sûr il y a la faim matérielle mais surtout il y a les effets de la souffrance, de la violence, de la haine, de la séparation, de la rupture, ou même de la mort d’un proche, signes d’une mort menaçante, omniprésente dans ce monde, depuis les origines, aujourd’hui comme au désert, comme au temps de Jésus…
Justement, face à Jésus, les gens ne comprennent pas. Alors qu’il vient de faire un signe manifeste, en nourrissant cinq mille personnes, comme Moïse dans le désert avait fait pleuvoir la manne, ou comme Elisée avait multiplié les pains au temps des Rois, les gens demandent à nouveau un signe dans le ciel pour croire qu’il est bien l’envoyé de Dieu et donc pour être sauvés. Jésus dit à ceux qui veulent le faire roi, qu’il est venu non pas pour être un roi terrestre mais pour les rassasier en les sauvant de cette mort-là qui les accable, qui est inévitable, pour leur donner la vie. Et surtout, il leur dit qu’il ne fera rien à leur place, comme le ferait un roi « thaumaturge », un roi qui fait des miracles.
Nous aussi nous demandons des miracles, nous prions pour que Jésus, par l’intermédiaire des saints du ciel, fassent dans nos vies ou celles de nos proches ce que nous ne savons pas faire, ce que nous ne pouvons pas faire… Nous prions, dans notre impuissance. Jésus nous dit que la multiplication des pains et tous ces miracles, sont des signes pour nous réconforter et dire la gloire de Dieu, bien sûr, mais ils ne suffisent pas pour nous sauver !
Tous ces miracles ne sont que des signes, des symboles ou des préfigurations de ce que, Lui, apporte : il est, Lui, celui qui délivre du mal ; il est la Parole de Dieu, il est la nourriture qui donne la vraie vie : « Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance » leur dira-t-il plus tard. (Jn 10,10)
« L’œuvre de Dieu c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » Pour être sauvés, c’est-à-dire trouver, en ce monde apparemment voué à la mort, des signes de vie et d’espérance, et au terme de notre existence avoir la certitude d’obtenir la vie éternelle, il nous faut croire en celui qui est la Vie, la Vie qui vient de Dieu, qui vient du Père. Et c’est avec cette foi que nous pourrons, nous-mêmes, agir pour que la paix fleurisse sur cette terre, là où nous vivons, et que tout être humain reçoive du pain pour vivre, comme on nous le disait déjà la semaine dernière. Et c’est nous qui ferons les miracles !
Durant cette Eucharistie, laissons-nous travailler par la parole de Jésus : « Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif ». Qu’elle irrigue notre vie aujourd’hui et nous donne de traverser les doutes et les peurs, les violences et les échecs, qu’elle nous fasse vivre et nous donne la joie. Que Jésus soit le rocher qui nous habite et nous sauve, qu’il inspire notre volonté d’agir en ce monde pour ceux qui ont faim et soif !
Père Henri Aubert sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur
Un chant pour accompagner notre méditation
Notre Dieu s’est fait homme
Paroles et musique : M. Dannaud – Chants de l’Emmanuel
- Notre Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit Dieu,
Mystère inépuisable, fontaine du Salut.
Quand Dieu dresse la table, Il convie ses amis,
Pour que sa vie divine soit aussi notre vie! - Le Seigneur nous convoque par le feu de l’Esprit
Au banquet de ses noces célébrées dans la joie.
Nous sommes son Eglise, l’Epouse qu’il choisit,
Pour vivre son alliance et partager sa vie. - Merveille des merveilles, miracle de ce jour!
Pour nous Dieu s’abandonne en cette Eucharistie.
Chassons toute indolence, le Christ est parmi nous,
Accueillons sa présence et offrons-nous à lui. - Dieu se fait nourriture pour demeurer en nous,
II se fait vulnérable et nous attire à lui.
Mystère d’indigence d’un Dieu qui s’humilie
Pour que sa créature soit transformée en lui. - II frappe à notre porte le Seigneur Tout-Puissant,
II attend humble et pauvre, mendiant de notre amour.
Dénudé d’arrogance, sous l’aspect de ce pain
II se donne en offrande pour demeurer en nous. - Que nos cœurs reconnaissent en ce pain et ce vin
L’Unique nécessaire qui surpasse tout bien.
Ce que nos yeux contemplent, sans beauté ni éclat,
C’est l’Amour qui s’abaisse et nous élève à lui.