La moisson est abondante

Quelle Moisson ? En général on interprète cette métaphore en assimilant les « ouvriers » aux responsables ecclésiastiques et la « moisson abondante » aux foules innombrables qu’il convient de rassembler à la suite du Christ. C’est pourquoi ce texte est souvent utilisé à propos des « vocations » sacerdotales ou religieuses et cette interprétation est tout à fait légitime.

Je voudrais en proposer une légèrement différente, sans pour autant renier ce qui vient d’être dit. De quoi souffrent les foules au point d’éveiller la compassion de Jésus ? Elles sont, dit notre texte, « fatiguées et abattues. » Pas de pasteur pour les conduire « vers les eaux du repos » et « les verts pâturages » du Psaume 23. Le thème de la moisson évoque évidemment la nourriture, le blé, le pain que Jésus multiplie pour la foule fatiguée, menacée de « défaillir en chemin », si on la renvoie à jeun (Matthieu 15, 32-38).

Dans cette perspective, ce qu’il faut moissonner, ce ne sont pas les hommes, mais tout ce qui peut les alimenter, les faire vivre, leur procurer le repos au milieu des tracas de l’existence. Les apôtres sont envoyés non seulement pour libérer les hommes de leurs démons meurtriers mais pour récolter dans le monde et transmettre à ceux qui ont faim les nourritures nécessaires. Matérielles, intellectuelles, spirituelles. Ils peuvent les transmettre sans condescendance parce qu’ils les ont eux-mêmes reçues. Gratuitement.