Dimanche 13 mars 2022
Deuxième dimanche de Carême (C)
La Transfiguration. D’un blanc d’éclair…
Luc 9, 28b-36
Textes de la liturgie (à consulter ici)
- Genèse 15, 5-12.17-18 : Regarde le ciel et contemple les étoiles.
- Psaume 26 : Le Seigneur est ma lumière et mon salut.
- Philippiens 3, 17 à 4, 1 : Tenez bon dans le Seigneur.
- Luc 9, 28b-36 : La Transfiguration.
Théophane Le Grec (1350 –1410) – Icône de la Transfiguration (~1408)
Galerie Trétiakov, Moscou
L’homélie
Frères et sœurs,
Un visage transfiguré, des vêtements qui se mettent à briller, des êtres disparus qui réapparaissent, une voix qui descend du ciel : tout ceci peut paraître relever d’une hallucination. Mais il n’en est rien. C’est, tout simplement, un récit qui s’adresse à nous aujourd’hui mais qui est profondément enraciné dans l’histoire de l’humanité. Et qui montre les traces de cet enracinement.
De tout temps, depuis qu’a émergé l’humanité, l’être humain tente de parler de Dieu et de parler avec Dieu. Ainsi, lorsque les hommes ont fait l’expérience de la culture du sol, ils ont été confrontés à une double énergie : celle de leur travail de la terre dont ils avaient le contrôle et celle du soleil et de la pluie qui ne dépendait pas d’eux. Il y a le bas et le haut. Et le haut, il faut se le concilier et communiquer avec lui.
Alors, se développent des formes de religiosité qui opposent la terre et le ciel. Le ciel est le lieu où résident les dieux. Parfois même, les astres ou le soleil sont les dieux eux-mêmes[1]. De là s’explique l’importance de la montagne et des nuages qui rapprochent du ciel. Ceux-ci sont signe de la présence divine. Les dieux grecs descendent pour vivre sur le mont Olympe et pour se cacher dans le nuage, à mi-chemin de la terre des hommes. Ce sera aussi présent dans l’Ancien Testament. La Bible parle d’un lieu sacré « depuis toujours »[2], appelé « Montagne de Dieu ». On la nommera, tantôt le Mont Sinaï, tantôt le Mont Horeb.
Il y a donc des lieux pour communiquer avec Dieu. Ajoutons à cela un autre constat : il faut plaire à Dieu. On trouve ici l’obligation de se purifier pour parler aux dieux et éviter leur colère. Des prescriptions datant de la plus haute antiquité imposent qu’avant de prier, on se lave avec de l’eau vive « d’un blanc éclatant et lumineux apparenté au soleil »[3]. A partir de là, s’est répandu l’usage religieux du vêtement à la blancheur éclatante, doté d’un pouvoir de révélation de la vraie nature de celui qui le porte. On a pu parler aussi d’un pouvoir de métamorphose.
La haute montagne, les nuages, la blancheur lumineuse : pourquoi ce détour ? C’est, bien sûr, pour en revenir au texte de la Transfiguration.
Il s’agit donc d’un texte. Il n’existe pas de texte qui ne soit le résultat de la transformation de nombreux textes antérieurs. Les récits écrits et oraux circulent. Les mots et les images s’échangent. Une narration en influence une autre. Et cela produit, à chaque fois des textes nouveaux, porteurs de sens nouveaux. Le récit de la Transfiguration n’échappe pas à la règle. Il s’appuie sur divers textes plus anciens mais chaque évangéliste le met en forme pour livrer un enseignement spécifique.
Écoutons saint Luc : « Jésus prend avec lui Pierre, Jean et Jacques et monte sur la montagne pour prier. Or, pendant qu’il prie, l’aspect de sa face devient autre et son vêtement d’un blanc d’éclair. »
Il y a la montagne et le vêtement d’un blanc d’éclair. Mais pas de métamorphose de Jésus. Pourquoi ? Luc nous le dit à deux reprises : Jésus est là pour prier. Et c’est pendant qu’il prie que son visage devient autre. Rien de spectaculaire mais un événement de prière. C’est un moment d’intimité entre Jésus et son Père. Un moment d’unité divine. Saint Luc prend les mots qu’il faut pour rendre visible cette divinité de Jésus : la blancheur d’éclair de son vêtement dit que Jésus est lumière.
Puis, il y a Moïse et Élie. Dieu s’était révélé à eux sur la montagne du Sinaï[4] et sur le Mont Horeb[5]. Ils furent témoins de l’Alliance entre Dieu et les hommes. Ils ont reçu la Promesse du Salut. Moïse est descendu de la montagne recouverte de la Nuée du Seigneur. Il avait le visage illuminé par la lumière de Dieu. Saint Luc reprend les mots et les personnages de l’Ancien Testament pour écrire le Nouveau: Moïse et Élie sont sur la Montagne illuminés par Celui qui accomplit la Promesse et qui est Lumière. Saint Luc dit, en même temps l’union de Jésus et du Père présent dans le texte par les mots désignant la nuée qui recouvre toute la scène et d’où Dieu parle.
Mais au cœur du récit de Luc, il y a un passage essentiel. Saint Luc fait parler entre eux les trois personnages : ils parlent de l’exode de Jésus à Jérusalem. Luc emprunte le mot de l’Ancien Testament. Le chemin de Jésus jusqu’à Jérusalem où il sera crucifié « est un exode, une sortie hors de cette vie, une traversée de la Mer Rouge et un passage vers la gloire.[6] »
Le récit de la Transfiguration selon Luc parle de la croix.
Là il y a le face-à-face du meurtre et de la donation.
Chaque jour a son lot de ténèbres, de balles, de bombes et de blindés.
Chaque jour a sa part de lumière, d’humanité, de solidarité, de fraternité, de bonté.
Et la lumière a déjà gagné.
Parce que c’est la lumière d’un visage sur la croix. Elle est d’un blanc d’éclair.
Père Jean-Paul Laurent s.j.
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur
[1] Comme dans les religions de Perse ou d’Egypte (voir Archives de sociologie des religions, 1969/28)
[2] Voir TOB, Ex 3,1, note t.
[3] A. Grand-Clément, La fabrique des couleurs, Paris, De Boccard, 2011
[4] Ex 24, 16
[5] I R 19,11
[6] J. Ratzinger, Jésus de Nazareth, 1, Flammarion, 2007, p. 339
Pour accompagner la prière
Aujourd’hui, montons sur la montagne où Jésus resplendira
Texte : Jean Servel – Musique : Mannick
1. Aujourd’hui, montons sur la montagne où Jésus resplendira.
Aujourd’hui, montons sur la montagne où Jésus resplendira.
Qui tiendra, Seigneur, dans ta lumière ?
Qui affrontera la croix ?
Aujourd’hui, montons sur la montagne où Jésus resplendira.
2. Aujourd’hui, restons dans la lumière, Jésus-Christ nous gardera.
Aujourd’hui, restons dans la lumière, Jésus-Christ nous gardera.
Guéris-nous Seigneur, par tes blessures,
Crée en nous un cœur nouveau
Aujourd’hui, restons dans la lumière, Jésus-Christ nous gardera.
3. Aujourd’hui, marchons dans la lumière, Jésus ressuscitera.
Aujourd’hui, marchons dans la lumière, Jésus ressuscitera.
Ouvre-nous les portes de la vie,
ouvre-nous les temps nouveaux.
Aujourd’hui, marchons dans la lumière, Jésus ressuscitera.
