Dimanche 11 février 2024
Sixième dimanche ordinaire (B)
Lectures
- Lévites 13, 1-2.45-46 : Quand un homme aura sur la peau une tumeur…
- Psaume 31 : Tu es un refuge pour moi, de chants de délivrance, tu m’as entouré.
- 1 Corinthiens 10, 31 à 11, 1 : Ne soyez un obstacle pour personne.
- Marc 1, 40-45 : Si tu le veux, tu peux me purifier.
Lire les textes de la liturgie
La main soigneuse de Dieu
Guérison du Lépreux
Évangéliaire d’Echternach (1040)
Homélie
Frères et sœurs,
permettez-moi, de commencer par attirer votre attention sur une particularité grammaticale liée au récit évangélique d’aujourd’hui. Qu’il s’agisse de parler de Jésus ou du lépreux ou d’autres personnages, aucun d’eux n’est désigné par un nom mais uniquement par le pronom il au singulier ou au pluriel, ou encore par le pronom lui[1]. Le mot lépreux n’apparaît qu’une fois au tout début. Le respect du texte nous impose de le lire en tenant compte de cette caractéristique. Considérons donc le texte dans cette perspective.
D’emblée, on est frappé par la ressemblance et, en même temps, la différence entre la première et la dernière phrase. « Vient vers lui un lépreux », lisons-nous au départ du récit. « Et ils venaient vers lui de toutes parts », découvrons-nous à la fin du texte.
D’abord, le texte raconte le déplacement, situé à un moment donné, d’une personne vers une autre. Le contexte nous conduit à comprendre qu’il s’agit de Jésus mais le récit, considéré en lui-même ne nous y contraint pas.
La dernière phrase fait état d’un autre déplacement. Il est ici de grande ampleur dans l’espace et dans le temps. Le verbe est un imparfait d’amplitude : il désigne une durée dont on ne dit pas les limites. Le sujet ils est livré sans précisions. Comme les lieux d’où ils convergent : « de toutes parts ». Et celui qui, ici, est l’objet de cette puissante attraction vers lui est ambigu. Il peut aussi bien s’agir du lépreux qui parle que de Jésus.
Et rien ne nous est dit des motifs de ce déplacement.
Cherchons la réponse en examinant ce qui est dit des évènements survenus entre ces deux moments. Pour commencer, un corps à corps. Deux corps humains sont en jeu.
Il y a un corps malade. De la lèpre. Ces corps-là sont assimilés à des cadavres contagieux. Ils sont repoussants et repoussés. Il est impossible de s’en approcher. Ils sont comme habités par une force qui éloigne. Ils répandent la mort.
Mais saint Marc nous met sous les yeux une scène complètement opposée. Un corps lépreux s’avance et s’approche d’un autre corps. Le « cordon sanitaire » s’est rompu et les deux corps se rejoignent. L’un tombe à genoux, l’autre est remué aux entrailles. L’un s’adresse au cœur de l’autre « Si tu veux, tu peux me purifier ». L’autre étend la main et le touche. Et la lèpre s’en va
« Je veux, sois purifié », dit-il. Qui est ce il ?
Le texte nous conduit à comprendre que le lépreux a été l’objet d’une double action. D’abord d’une action divine. Parce que seule une force de vie pouvait être plus puissante qu’une force de mort. Le lépreux a été tiré vers la vie et la mort l’a lâché. Sa guérison est l’œuvre de Dieu. Le il désigne bien Jésus. Mais inséparablement, saint Marc a représenté un acte humain. Parce qu’une force de fraternité humaine a triomphé de toute répulsion et ségrégation. Un cœur humain a été touché et une main humaine s’est étendue et a touché pour unir. Pour soigner et pour guérir. Le il représente tout être humain habité par l’amour de l’autre.
Ce récit parle de l’Incarnation. C’est Dieu qui se fait homme, touché par la blessure des hommes. C’est l’homme, touché par Dieu, qui tend la main à ses frères humains.
La main soigneuse de Dieu passe par la main soignante de l’homme
Mais l’histoire continue.
« Aussitôt après, il le chasse ». Le lépreux est sommé de réintégrer la société. Il en avait été exclu par la loi des hommes et la loi de la mort. Il n’a pas à être, à nouveau, isolé, enfermé auprès de son sauveur. C’est pourquoi il a consigne de taire sa guérison et de reprendre sa place dans la vie.
Saint Marc nous dit que c’est ce que fait le lépreux. Il applique l’injonction qui lui est faite. Il ne divulgue rien des circonstances de sa rencontre. Il fait tout autre chose. Écoutons bien les mots : « Il commence à proclamer hautement et à annoncer la Parole ». Dans les évangiles, le verbe proclamer est associé à la Bonne Nouvelle elle-même. Et saint Marc le répète avec insistance quand il nous dit que le lépreux annonce la Parole, autrement dit, l’Évangile. D’une certaine manière, on n’est plus dans l’épisode de la guérison. On est au-delà. Au temps de la proclamation du Salut réalisé par le Christ ressuscité.
Et le lépreux parle, lui aussi, en ressuscité. Il a fait l’expérience intime de l’amour du Dieu qui est force de vie. Amour divin qui passe par l’amour humain. C’est l’expérience de ces deux amours qui n’en font qu’un que le lépreux proclame.
Et puis, il y a cette dernière phrase : « Et ils venaient vers lui de toutes parts ».
Nous sommes bien au temps de la résurrection. Au temps du rassemblement de tous dans le Christ. Ils viennent vers lui : le Dieu fait homme à la main soigneuse. Vers lui, le lépreux relevé qui proclame la Bonne Nouvelle.
Et, au nom de cette Bonne nouvelle, ils viennent, de tous les horizons de tous les temps, vers lui, le lépreux malade. Ils s’approchent, ils tendent la main et ils le touchent.
C’est la main soigneuse de Dieu.
Père Jean-Paul Laurent sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur
Télécharger le PDF de l’homélie
[1] Nous parlons ici du texte grec d’origine. La traduction liturgique française a substitué, presque chaque fois, les noms aux pronoms, gommant ainsi un aspect du travail stylistique de Marc.
Un chant pour accompagner notre méditation
Je suis venu guérir tous les malades
Philippe Goeseels/Grazia Previdi/ADF-Musique
- Je suis venu guérir tous les malades,
Tous les blessés du cœur,
Pour leur bonheur. - C’est la miséricorde que je désire,
Est-il meilleur présent
Pour maintenant ? - Je n’ai pas appelé rien que les justes,
Mais j’offrirai mon cœur
A tout pécheur.