Dimanche 11 juin 2023

Le Saint-Sacrement du Corps et du Sang de Jésus-Christ (A)

Lectures

  • Exode 8, 2-3.14b-16a : C’est Lui qui, dans le désert, t’a donné la manne.
  • Psaume 147 : Glorifie le Seigneur, Jérusalem !
  • 1 Corinthiens 10, 16-17 : Nous avons tous part à un seul pain.
  • Jean 6, 51-58 : Moi, je suis le pain vivant, descendu du ciel.

Lire les textes de la liturgie

L’Eucharistie invite à nourrir,
elle invite à soigner

 

 

 

L’homélie

Frères et sœurs,

Ce dimanche est la fête du Saint Sacrement, dite aussi la « Fête Dieu » ou encore la fête du « Corpus Christi ».  C’est une fête qui célèbre la présence du Christ, dans le sacrement de l’Eucharistie, sous les espèces du pain et du vin. Cette fête a été instituée dans l’Eglise universelle dès 1264 par le pape Urbain IV sous l’impulsion de sainte Julienne de Cornillon à Liège. Julienne de Cornillon est une sainte de chez nous. Orpheline, elle est entrée comme religieuse au couvent du mont Cornillon à Liège ; ce couvent était une léproserie ; il accueillait des lépreux, prenait soin d’eux, les nourrissait et avait comme devise la parole évangélique « J’étais malade et vous m’avez visité » (Mt 25,36). C’est tout en étant au service de ces corps malades que Julienne de Cornillon, prieure du couvent, a promu, la dévotion au Saint-Sacrement, corps du Christ présent dans l’Eucharistie sous les espèces du pain et du vin. Julienne de Cornillon, à la fin de sa vie, après avoir promu la dévotion au saint Sacrement, a trouvé refuge tout près d’ici à Salzinnes, dans un monastère de cisterciennes. Elle est morte à Fosses en 1258 et enterrée à l’abbaye de Villers-la-Ville.

En considérant la vie de Julienne de Cornillon, on peut se demander pourquoi une personne ainsi vouée au soin des lépreux, à leurs corps tordus et tuméfiés, s’est attachée, en même temps, à vénérer le corps du Christ, donné en nourriture, sous les espèces du pain et du vin. Pourquoi cette double ténacité, d’une part, dans l’engagement total auprès des lépreux et, d’autre part, dans sa volonté de convaincre évêques et pape à promouvoir le culte du Saint Sacrement ? C’est l’occasion pour nous aujourd’hui de nous interroger sur la présence du Christ dans l’Eucharistie et sur son lien intrinsèque avec le soin apporté aux corps, en particulier des malades. Alors, essayons d’entrer plus avant dans l’intelligence du mystère eucharistique.

« Eucharistie », vous le savez, veut dire action de grâce. La grâce, c’est ce qu’on obtient gratuitement, par don, sans l’avoir mérité. De quoi rend-on grâce dans l’Eucharistie ? Si nous considérons l’Eucharistie, nous remarquons d’emblée que, à l’offertoire, il y a une action de grâce pour le pain et pour le vin qui sont donnés. « Tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain, toi qui nous donnes ce vin, fruit de la terre et du travail des hommes … » Bien sûr, pour qu’il y ait de la nourriture, il faut que la terre produise son fruit et que l’homme y ajoute son travail. Mais, au total, tout part d’un don initial. C’est vrai dans l’Eucharistie. C’est vrai aussi dès le début de la création : « Voici, dit Dieu, dans le récit de la genèse, que je vous donne tout arbre dont le fruit porte la semence ; ce sera votre nourriture » (Gn 1,29). Cette sollicitude de Dieu qui donne la nourriture se manifeste dans l’Eucharistie, mais aussi tout au long de l’histoire biblique. Durant cette histoire, Dieu se montre soucieux de nourrir son peuple. Ainsi, dans le désert, fait-il tomber la manne journellement pour que le peuple se souvienne, comme le dit le livre de l’Ecclésiaste, « que tout cela est un don de Dieu » (Qo, 2,24). Et ce don s’inscrit dans une promesse ; la promesse d’une terre où coulent le lait et le miel. Et aujourd’hui, encore, quand nous prions le Notre Père, nous demandons à Dieu qu’il nous donne aujourd’hui notre pain quotidien. Dans le benedicite, au début d’un repas, on rend grâce à Dieu pour la nourriture sur la table. Nous ne cessons de rendre grâce, comme dans l’Eucharistie, pour le don de la nourriture pour les corps.

Ce soin du corps, ce souci du corps, nous le trouvons aussi dans l’évangile dans tous les actes de guérison de Jésus : la guérison des lépreux, la guérison de l’aveugle-né, la guérison de Bartimée, la guérison du paralytique ; « Lève-toi, prends ton grabat et marche ». Jésus, durant sa vie, n’a cessé de remettre l’homme debout pour qu’il vive. Ce souci du corps, cet amour des autres, Jésus l’a montré aussi, de manière exemplaire, dans l’épisode du lavement des pieds de ses disciples rapporté dans l’évangile de Jean. Alors qu’on cherche à l’arrêter, alors que sa fin est proche, Jésus se lève de table où il mangeait avec ses disciples, s’agenouille devant eux, prend la posture du serviteur et se met à leur laver les pieds. Ce geste ne nous éloigne pas de l’Eucharistie puisqu’il est repris dans la liturgie eucharistique du jeudi saint pour signifier précisément combien l’Eucharistie est intrinsèquement liée à l’amour d’autrui, au service des autres jusque dans leur corps. « C’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez de même », dit Jésus. C’est ce que Julienne de Cornillon a fait en soignant les lépreux et, dans le même acte, en promouvant la dévotion au saint Sacrement.

L’eucharistie invite à nourrir, elle invite à soigner. Mais, davantage, elle nous invite à recevoir le corps du Christ lui-même en nourriture pour nos corps mortels. Il y a, dans la liturgie, une prière sur les offrandes étonnante qui nous mène au cœur de ce mystère. Voici cette prière : « Nous te rendons grâce, Seigneur, pour cette eucharistie où s’accomplit un admirable échange : en offrant ce que tu nous as donné, puissions-nous te recevoir toi-même[1] ». On offre le pain et le vin qui sont des dons de Dieu et, en retour, – c’est là l’inouï de la grâce – on reçoit le Christ lui-même. On reçoit Jésus-Christ, le Fils de Dieu, qui se donne, qui donne son corps et son sang en nourriture : « Ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang versé pour vous, pour la vie de la multitude, en rémission des péchés ». Ce n’est plus seulement du pain et du vin qui sont donnés mais, sous les espèces du pain et du vin, le corps et le sang de Jésus-Christ pour la vie du monde. Comment comprendre cela ? Alors que les autorités religieuses et politiques en veulent à sa vie, alors que l’étau se resserre, Jésus sent que sa mort en croix est proche. Son corps va être arrêté, capté, emporté, passer de mains en mains, d’une autorité à l’autre. Jésus, alors, saisit le moment de son arrestation et de sa mort pour en faire un don en signe d’amour jusqu’à l’extrême. Son corps moulu, déchiré, livré en pâture, Jésus, en mourant, le donne en nourriture pour la vie. Mais, telle est notre foi, Dieu, son Père, lui a rendu justice et témoignage en le ressuscitant. Aussi, sa vie qu’il donne ainsi en nourriture en mourant, nous associe-t-elle à sa résurrection par la puissance de Dieu, son Père. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ». « Tel est le pain descendu du ciel : celui qui mange de ce pain vivra éternellement ».

Voilà la réponse à notre question. Le mystère de l’Eucharistie ne nous laisse pas passifs comme il n’a pas laissé passive sainte Julienne de Cornillon. L’eucharistie, nous engage, au contraire, au plus profond de nous-mêmes pour un monde plus juste qui éradique la faim. Comme le dit le Père Arrupe, « Si la faim existe encore quelque part dans le monde, notre célébration de l’Eucharistie est, en quelque sorte, incomplète partout [2]».

Père André Fossion sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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[1] Prière sur les offrandes du vingtième dimanche du temps ordinaire.

[2] Pedro ARRUPE, Ecrits pour évangéliser, Desclée de Brouwer, Paris, 1985, p.52.

Un chant pour accompagner notre méditation

C’est toi qui nous appelles

P&M : P. Lemoine, Notre-Dame de vie (ADF Musique)

R/ C’est toi qui nous appelles, Seigneur Jésus,
Sur ton chemin de lumière et de vie.
Donne-nous de te suivre Seigneur Jésus,
Dans la foi, dans l’amour.

  1. Tu es la bonne nouvelle nous libérant du péché,
    Tu ouvres aux hommes tes frères, la voie de la sainteté. R/
  1. Tu rassembles en un seul peuple des hommes de tous pays ;
    Enfants de Dieu dans l’Eglise unis par la charité. R/
  2. Toi qui as guéri l’aveugle, Jésus aie pitié de nous ;
    Donne-nous la clairvoyance de la foi qui fait voir Dieu. R/
  3. Tu invites tes disciples à marcher jusqu’à la croix,
    Tu leur montres l’espérance où les entraîne ta voie. R/
  1. Que la Vierge, Notre-Dame, nous conduise jusqu’à toi,
    Que sa grâce maternelle nous dispose à ton appel. R/