Dimanche 13 août 2023

19ème dimanche ordinaire (A)

Lectures

  • 1 Rois 19, 9a.11-13 a : Après le feu, le murmure d’une brise légère.
  • Psaume 84 : Fais nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut.
  • Romains 9, 1-5 : Le Christ est né du peuple juif.
  • Matthieu 14, 22-33 : La barque était battue par les vagues, car le vent était contraire.

Lire les textes de la liturgie

N’ayez pas peur, c’est moi !

Jésus sauvant Pierre de la noyade (1370)
Lorenzo Veneziano (1336-1379)
Staalitche Museen, Berlin (Allemagne)

 

L’homélie

Frères et soeurs

L’évangile de ce jour « Jésus marche sur les eaux» peut être lu comme une parabole ; une parabole qui contient un triple enseignement : d’abord, un enseignement sur Jésus lui-même, ensuite sur son action libératrice lorsque les disciples comme nous-mêmes sommes dans la tourmente, enfin, plus généralement sur la foi comme délivrance de la peur.

Premier aspect donc : qu’est-il dit de Jésus dans ce récit-parabole ? Il nous est tout d’abord raconté que Jésus, pressé par la foule, se retire en haut sur la montagne pour prier. La montagne, dans la Bible, est le lieu de la rencontre, du dialogue, de la familiarité avec Dieu. Comme nous le rappelle d’ailleurs la première lecture de ce dimanche, Dieu n’est pas dans le vacarme ; il se laisse entendre dans le silence et la brise légère. Ce que l’évangéliste veut nous montrer dans ce récit, c’est que Jésus, là-haut sur la montagne, puise sa vie, sa force, son calme dans la prière, c’est-dire dans une communion étroite avec Dieu, son Père. Et ce sont cette force et ce calme qu’il puise dans la prière qui lui permettent de rejoindre les disciples dans la tourmente, de marcher sur les eaux, de ramener la paix et le calme sur les eaux comme dans les cœurs. Que Jésus soit présenté comme marchant sur les eaux est une manière pour l’évangéliste de dire sa puissance libératrice contre les forces du mal. Par la force de Dieu qui est en Lui, Jésus détrône les puissances du mal.

Deuxième enseignement : Jésus sauve les disciples de la tourmente et de la peur. Dans le récit-parabole que nous avons entendu, il nous est raconté que Jésus, avant de se retirer sur la montagne, enjoint aux disciples de prendre une barque et de se rendre sur l’autre rive du lac. Ce faisant, Jésus les expose aux dangers de la traversée du lac. Et de fait, voici que le vent se lève et que la tempête fait rage. Et là, les disciples sont pris d’une peur panique ; d’une double peur même. Ils ont peur, d’une part, de sombrer dans la tempête. Et d’autre part, ils sont pris d’épouvante en voyant marcher vers eux ce qu’ils prennent pour un « fantôme » ou un « fantasme ». Dans le texte grec, c’est le même mot. Un « fantasme » ou un « fantôme », c’est le fruit de notre imagination qui travestit la réalité et peut nous entraîner dans une peur envahissante. Voyons ce que dit précisément le récit. Les disciples, selon le récit, voient Jésus marcher sur la mer et se diriger vers eux. S’ils reconnaissaient Jésus, ils seraient rassurés. Mais non, ils ne le reconnaissent pas et croient voir un fantôme, ce qui multiplie leur peur. « C’est un fantôme » crient-ils. Il ne s’agit pas d’une parole, mais seulement d’un cri de peur. En réponse à leur cri, Jésus s’adresse à eux ; il leur parle en les faisant sortir de l’imaginaire où ils sombrent pour se faire reconnaître : « C’est moi, n’ayez pas peur ». En d’autres termes, Jésus leur dit : « Je ne suis pas un fantôme, je ne suis pas un fantasme, c’est bien moi, n’ayez pas peur ». C’est alors que, selon le récit-parabole, commence le combat de la foi. « Si c’est bien toi, ordonne que je vienne vers toi », dit Pierre. Combat difficile entre la peur et la foi. Pierre, dans la foi, se lance à l’eau vers Jésus, mais la peur le reprend ; il sombre dans la peur comme il sombre dans la mer. Ce que nous enseigne la parabole, c’est que, par nous-mêmes, nous ne sommes pas plus forts que la peur. Dans la tourmente, pour sortir de la peur, nous le savons bien, il faut une parole, une présence réelle, une main secourable qui se tend, que l’on saisit et qui sauve. C’est l’expérience de Pierre. Ce peut être aussi la nôtre.

Enfin, troisième aspect de l’enseignement de ce texte : c’est un enseignement qui, prenant un peu de hauteur, nous parle de la foi par opposition à la peur. La peur ou la foi, c’est le dilemme qui se pose à nous. Qu’est-ce qui structure notre existence ? Qu’est-ce qui la règle ? La peur ou la foi ? Le doute ou la confiance ?

Avoir peur fait partie de la condition humaine. Dès notre naissance, nous sommes des êtres de peur. Nous pouvons l’affronter ou la fuir. Mais nous ne pouvons pas y échapper vraiment. Nous avons peur de l’accident, de la maladie, de la fatalité et du malheur. Nous avons peur des autres et de nous-mêmes. Nous avons peur de la colère, de la haine et du meurtre. Finalement, nous avons peur de la mort.

La peur peut être salutaire au sens où elle nous avertit d’un danger ; elle nous prévient des dangers afin que nous puissions les éviter. Mais la peur est aussi porteuse de mort, quand elle nous paralyse et nous fait vivre comme des rats, toujours sous la menace des dangers réels ou imaginaires qui nous menacent. La première peur imaginaire dans laquelle nous pouvons sombrer, c’est la peur d’un Dieu tout puissant, jaloux, qui juge, qu’on imagine comme notre concurrent. Souvenons-nous du récit de la genèse : Adam se cache de Dieu. « J’ai pris peur », dit-il, sous la menace d’un Dieu vengeur. Ou bien souvenons-nous de la parabole évangélique des talents : le troisième serviteur de la parabole va enfouir son talent au lieu de le faire fructifier, par peur de son maître qu’il imagine dur.

La Bonne Nouvelle de l’Evangile, à l’inverse, nous parle d’un Dieu bon que nous n’avons pas à craindre. L’amour bannit la crainte, dit saint Jean (1 Jn 4, 18). Dieu aime et n’est pas là pour nous faire peur. Nous n’avons pas à avoir peur de Dieu car Dieu, en réalité, de toute bonté, ne peut faire le mal. Aussi, comme le dit saint Paul, n’avons-nous pas reçu un esprit d’esclavage qui nous ramène à la peur, mais un esprit qui nous fait dire à Dieu « Abba Père » (Rm 8,15).

Ainsi, sommes-nous appelés à vivre sans peur, non pas par nos propres forces comme si nous étions plus fort que toutes les peurs, mais par la confiance en un Dieu Père qui veut le bien de ses enfants. Heureux sommes-nous – et non peureux ! – parce que le Dieu qui se révèle à nous est un Dieu de toute bonté qui veut notre bien, nous destine à une fin heureuse et nous promet la vie en abondance. Certes, nous sommes dans un temps de passage qui peut comporter des épreuves et des peurs, mais ce temps nous conduit à une terre promise où coulent le lait et le miel.

« N’ayez pas peur ». C’était l’appel lancé une fois de plus par le pape aux Journées Mondiales de la Jeunesse, à Lisbonne, la semaine passée. Selon cet appel, il s’agit de vivre dans la foi et dans la confiance. Que cette foi – ou confiance – soit nôtre aujourd’hui afin que nous puissions, nous aussi, réellement, par la puissance et la grâce du Christ, marcher sur les eaux.

Père André Fossion sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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Un chant pour accompagner notre méditation

Si la mer se déchaine

Paroles et musique : Lydia Lelong

  1. Si la mer se déchaîne,
    Si le vent souffle fort,
    Si la barque t’entraîne
    N’aie pas peur de la mort. (bis)Il n’a pas dit que tu coulerais
    Il n’a pas dit que tu sombrerais
    Il a dit : « Allons de l’autre bord,
    Allons de l’autre bord. »
  2. Si ton cœur est en peine,
    Si ton corps est souffrant
    Crois en Jésus il t’aime,
    Il te donne sa paix. (bis)
  3. Si un jour sur ta route,
    Tu rencontres le mal,
    Ne sois pas dans le doute,
    Dieu aime ses enfants. (bis)