Dimanche 16 avril 2023

2ème  dimanche de Pâques (A)

Lectures

  • Actes 2, 42-47 : Tous les croyants vivaient ensemble.
  • Psaume 117 : Rendez grâce au Seigneur, il est bon!
  • 1 Pierre 1, 3-9 : Lui, vous l’aimez sans l’avoir vu.
  • Jean 20, 19-31 : Heureux ceux qui croient sans avoir vu.

Lire les textes de la liturgie

Visages de Dieu

 

Thomas rencontre le Christ ressuscité
Fresques du monastère de l’Emmanuel à Bethléem (1978/9)

L’église du monastère de Bethléem est située au bord du mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie occupée. Elle a été ornée de fresques par les frères roumains Gabriel et Michel Moroshan, entre la fin de l’année 1978 et Pâques de l’année suivante. Les peintres ont travaillé en priant et en jeûnant, parfois accompagnés du son de la cithare dont jouait l’une des sœurs.

Les images accompagnant les homélies du Carême 2023 à la Chapelle Universitaire sont des reproductions tirées du livre Fresques de Bethléem, contemplation de la Parole, Salvator 2014. Elles accompagneront notre chemin de Pâques avec Jésus, en communion avec ces deux peuples, israéliens et palestiniens, à nouveau en un terrible conflit.

 

L’homélie

Frères et sœurs, tant qu’ils sont encore frais dans notre mémoire, retenons les derniers mots que nous venons d’entendre. Saint Jean s’adresse à nous, auditeurs et lecteurs de son récit : « Ces signes ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Fils de Dieu et qu’en croyant vous viviez ». Des mots qui ont pour but de nous faire vivre.

Penchons-nous donc sur ces mots qui racontent l’histoire de Thomas.

Thomas, avons-nous entendu, est appelé « le jumeau ». Mais il ne nous est pas dit de qui. Or Thomas, observons- le, il nous ressemble.  Thomas n’a rien vu de ce que les autres disciples lui rapportent et nous non plus de ce que saint Jean nous écrit. Dans cette histoire nous sommes Thomas. C’est de nous qu’il est le jumeau. Ainsi donc, ce qui arrive à Thomas pourrait bien nous arriver aussi.

Il est raconté, à lui comme à nous, qu’un évènement s’est produit : une apparition de Jésus à ses disciples. Comment y croire ?

Il s’agit là, pour nous, d’abord d’un récit de fiction transmis par saint Jean. Mais un récit « signifiant », un signe porteur de vérité. Comment faire surgir du texte cette vérité ?

Grâce à Thomas.

Thomas dit : « Je veux voir avant de croire ». Cela paraît relever du bon sens. Car, d’abord, voir est une garantie d’authenticité. Nous sommes toujours très sûrs de ce que nous voyons. Ainsi, par exemple, quand nous argumentons nous disons à celui que nous voulons convaincre : « Tu vois bien ». Voir est un mouvement qui part d’ailleurs et vient vers nous. Parce que, comme on le dit, « l’évidence s’impose » mais aussi parce que voir c’est prendre.

Nous captons, nous « englobons » du regard. Ce qui est autre que nous, nous le faisons nôtre. Ce qui est vu est su. C’est bien le souci de Thomas : voir et prendre, toucher et palper pour être assuré.

Mais il y a voir et voir. Voir et voir autrement. Il y a « autrement que voir ». Il y a voir dans un mouvement inversé : au lieu de tirer l’autre vers soi, se laisser attirer par l’autre…

Reprenons le récit et laissons-nous faire par le texte

Le récit comme tout récit, est rédigé au passé : « Les disciples étaient à l’intérieur. Thomas était avec eux et les portes étaient verrouillées. Jésus se tint au milieu d’eux et leur parla».  On nous décrit un moment passé bien situé et délimité. Mais, tout à coup survient une double brèche. L’une dans l’histoire, l’autre dans les mots.  Au moment où il est dit que Jésus perce les murs, le texte se lézarde lui aussi : au milieu de tous ces verbes au passé, apparaît un verbe au présent. Le texte dit : « Jésus vient[1]».

Il y a, ici, un éclatement. Deux plans apparaissent, celui de la voix du récit de fiction au passé et une autre voix qui fait entendre une vérité d’un autre ordre. Une vérité au présent. En ce temps présent, Jésus n’est pas un personnage de l’histoire racontée au passé. Il vient du présent et au présent. Il brise l’enfermement et la peur. Il vient annoncer une autre Histoire qui dépasse la fiction. Mais il faut, pour le comprendre, aller jusqu’au bout du récit de Jean.

C’est un dialogue entre Jésus et Thomas. Et c’est là que tout se joue. Jésus donne à Thomas deux consignes contradictoires.   D’abord Jésus dit : « Porte ton doigt et vois, entre ta main dans mon côté ». Vois et prends, donc. Immédiatement après, Jésus invite Thomas au mouvement inverse : une sortie de soi, une réponse à un appel. Il lui dit : « Deviens croyant ». Le mot traduit ici par « devenir » signifie aussi « naître ».  Nais à la foi, dit Jésus.

Nous sommes à nouveau devant une fracture. Entre « voir » et « voir autrement » et, nous le comprenons, entre « voir » et « croire ».

Et croire l’emporte : Thomas voit autrement. Non seulement, il ne tente nullement de toucher mais il s’éveille à la présence de l’autre. Thomas vit l’évènement d’une rencontre intime avec Jésus vivant. C’est, en quelque sorte, un face à face. Ils sont en vis-à-vis et Thomas « voit » le visage de Jésus, le visage de Dieu. Il s’écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu[2] ».

Le visage, c’est ce qui, toujours, se donne à voir autrement. Le visage échappe à toute prise. Il est la trace de toute altérité. Le visage appelle. Il implore. Il suscite la foi en lui.

Thomas a reconnu le visage vivant du Tout Autre et lui a donné sa foi.

Frères et sœurs, le visage de celui qui s’est laissé crucifier par amour est le visage de Dieu.

Les visages de nos frères humains sont visages du crucifié.

Ce sont tous ces visages suppliant par leurs blessures, leurs souffrances, leurs mutilations. Tous ces visages qui, aussi, nous apportent la joie, le bonheur et la paix.

Frères et sœurs, « Ces signes sont écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Fils de Dieu et qu’en croyant, vous viviez », nous dit saint Jean.

Thomas, notre jumeau, nous fait signe de l’accompagner.

Et Thomas dit celui qu’il a vu : « Mon Seigneur et mon Dieu ».

Père Jean-Paul Lauent sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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[1] De nombreuses traductions ne respectent pas ces différences de temps verbaux. Sans doute par souci d’uniformisation stylistique.

[2] Selon certaines traductions, le récit comporterait une phrase constative prononcée par Jésus : « Parce que tu as vu, tu as cru ». D’autres traductions mettent la phrase à l’interrogatif : « Est-ce parce que tu as vu (tangiblement) que tu as cru ? ». Cette seconde version est davantage en cohérence avec l’ensemble du récit.

Un chant pour accompagner notre méditation

Criez de joie, Christ est ressuscité

Paroles et musique : Cissy Suijkerbuijk – L’Emmanuel

Criez de joie, Christ est ressuscité !
Il est vivant, comme il l’avait promis.
Alléluia, Christ est ressuscité !
Il nous ouvre la vie !

  1. Au milieu de notre nuit,
    La lumière a resplendi.
    La Vie a détruit la mort,
    Christ ressuscité !
  2. Vous les anges, louez-le,
    Exultez depuis les cieux !
    Tous les vivants louez Dieu !
    Christ ressuscité !
  3. Louez Dieu dans sa grandeur,
    Louez Dieu, notre Sauveur !
    Sans fin louez le Seigneur !
    Christ ressuscité !
  4. Accueillez en votre cœur,
    Jésus-Christ, l’Agneau vainqueur !
    Il est le Chemin, la Vie,
    Christ ressuscité !