Dimanche 26 mai 2024
La Trinité (B)
Lectures
- Deutéronome 4, 32-34.39-40 : C’est le Seigneur qui est Dieu.
- Psaume 32 : Heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu !
- Romains 8, 14-17 : Vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils.
- Matthieu 28, 16-20 : Allez ! De toutes les nations faites des disciples.
Lire les textes de la liturgie
Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
La Trinité, sculptée par A.-V. Geoffroy-Dechaume, 1862.
Ancienne église de la Trinité, aujourd’hui St-Gilles, à Caen (France)
Homélie
Frères et sœurs,
Nous avons commencé et nous terminerons cette Eucharistie en disant : « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Aujourd’hui, c’est la fête de la Trinité. C’est l’occasion pour nous de réfléchir au mystère de Dieu Trinité. En quoi cette foi en Dieu Trinité nous concerne-t-elle de manière concrète ? Qu’est-ce que cela change dans nos vies de confesser ainsi un Dieu qui est Père, Fils et Saint-Esprit. Mais d’abord, une question : d’où vient cette foi trinitaire ?
La foi en la Trinité repose sur le témoignage des Evangiles. Dans les Evangiles, en effet, Jésus apparaît en étroite relation avec Dieu qu’il appelle « Père ». Souvenons-nous du baptême de Jésus dans le Jourdain. Dans cet épisode évangélique, il nous est rapporté cette parole de Dieu adressée à Jésus : « Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré » (Lc 3, 22). Et après cette parole, selon le texte, l’Esprit de Dieu descend sur lui. Ainsi, entre Jésus et son Père, existe-t-il une communion d’Esprit : un Esprit qu’il reçoit, dont il est habité et qu’il communique à ses disciples pour toutes les nations en disant, comme nous l’avons entendu dans l’Evangile de ce jour : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples. Baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ».
Cette foi trinitaire a été proclamée d’emblée dès le début de l’histoire et de la mission de l’Eglise. Proclamée avant d’être réfléchie, la foi trinitaire a suscité beaucoup de questions chez les croyants. « Père, Fils et Esprit »… qu’est-ce à dire ? Certains disaient : il y a donc trois Dieux ? D’autres disaient : non pas trois Dieux, mais trois visages, trois facettes, trois apparences d’un même Dieu. D’autres disaient encore : il y a le Père, le seul vrai Dieu, puis ensuite le Fils moindre que le Père et le Saint-Esprit moindre que le Fils. Finalement, après de nombreux débats et plusieurs conciles[1], la communauté des chrétiens est parvenue à un consensus : il n’y a qu’un seul Dieu, en trois personnes distinctes, égales en divinité. Ainsi se constituait la base de toute théologie trinitaire chrétienne. Un seul Dieu en trois personnes distinctes et égales.
Cela peut paraître difficile à comprendre. Pourtant l’expérience de l’amour humain montre, en fait, que l’amour fait l’unité entre des personnes différentes et égales. Entre ces personnes, il y a un « donner / recevoir /rendre » en quoi consiste l’amour. L’amour est « communication mutuelle », dit saint Ignace. Autrement dit, dans l’amour, il y a les partenaires et le lien qui les unit. Ainsi en est-il de même pour Dieu. En Dieu Trinité, comme le souligne saint Augustin dans le langage de la tendresse, il y a l’amant, l’aimé et l’amour[2]. Le Père est celui qui donne, le Fils est celui qui reçoit et rend. Et l’Esprit, pourrait-on dire, est le lien entre l’un et l’autre, la permanence du désir qui les unit, les différencie et les ouvre aussi à d’autres qu’eux-mêmes. Car la communion en Dieu, parce qu’elle est généreuse, est féconde et porteuse de vie. Elle donne la vie à d’autres, à des créatures également personnelles et distinctes, conviées elles aussi à l’amour. Dieu est amour et cet amour se répand. Aussi, tout amour vient-il de Dieu qu’il soit conjugal, paternel, maternel, filial, fraternel ou amical.
Précisons encore ceci qui est capital pour penser la relation à Dieu. La communication trinitaire n’est pas fusionnelle, au contraire, comme tout amour vrai, elle différencie et personnalise. Dieu, en ce sens, n’a rien de dévorant. Dès lors, s’approcher de Dieu ou le laisser s’approcher de nous, ce n’est point se fondre en lui et perdre notre liberté ; au contraire, c’est advenir à nous-mêmes et laisser s’accomplir en nous, jusqu’au bout, la grâce de notre création. Tel est le paradoxe de notre alliance avec Dieu : plus je m’approche de Lui, plus je deviens moi-même dans la liberté et la dignité.
Frères et sœurs, si Dieu est en lui-même une unité aimante de personnes distinctes et égales, alors vivre de l’Esprit de Dieu, vivre à son image et à sa ressemblance, c’est entrer dans une certaine manière de désirer et assumer une triple tâche : faire l’unité entre nous, valoriser nos différences personnelles, promouvoir notre égale dignité. Détaillons plus précisément ces trois tâches.
Croire en la Trinité, c’est, d’abord, chercher à faire l’unité entre nous, c’est édifier des communautés vivantes à différents niveaux : au niveau de la famille, du voisinage, du lieu de travail, également au niveau national et international. Songeons, par exemple, à l’idéal que représentent l’unité nationale d’un pays, l’Union Européenne ou encore l’ONU (l’Organisation des Nations Unies) ; ces structures traduisent l’aspiration profonde à l’unité et à la paix qui traverse notre humanité.
Chercher à faire l’unité et c’est aussi, en même temps et dans le même mouvement, valoriser les personnes dans leurs singularités, leurs désirs, leur histoire et leurs talents propres. L’unité dans l’amour n’est pas uniformisante ; elle n’est pas écrasante, au contraire, elle différencie et personnalise. L’unité porte une exigence : que chacun et chacune soit reconnu(e) par son nom propre !
Croire en la Trinité, c’est encore instaurer un mode de relation qui promeut l’égale dignité de chacun et de chacune, sans domination, sans discrimination, ni exploitation. Au contraire, c’est veiller à l’égalité des chances. C’est une question de justice et de droit. Liberté, égalité, fraternité ! Cet idéal politique n’est sans doute pas étranger à l’Esprit trinitaire à l’œuvre au cœur des êtres humains.
Frères et sœurs, le Dieu Trinité auquel nous croyons est un mystère de communion aimante interpersonnelle dans la différence et dans l’égalité. Invoquons le pour qu’il nous inspire une manière d’être et de désirer à son image et à sa ressemblance. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
[1] Les conciles de Nicée en 325 et de Constantinople en 381.
[2] Saint Augustin, De la Trinité, VIII, 10, 14.
Père André Fossion sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur
Un chant pour accompagner notre méditation
Pour accomplir les œuvres du Père
Paroles : Didier Rimaud – Musique : Jacques Berthier
- Pour accomplir les œuvres du Père
En croyant à celui qui a sauvé le monde,
Pour témoigner que Dieu est tendresse
Et qu’il aime la vie et qu’il nous fait confiance,
Pour exposer ce temps à la grâce
Et tenir l’univers dans la clarté pascale.
L’Esprit nous appelle à vivre aujourd’hui,
A vivre de la vie de Dieu.
L’Esprit nous appelle à croire aujourd’hui,
A croire au bel amour de Dieu.
- Pour découvrir les forces nouvelles
Que l’Esprit fait lever en travaillant cet âge,
Pour nous ouvrir à toute rencontre
Et trouver Jésus Christ en accueillant ses frères,
Pour être enfin le sel, la lumière,
Dans la joie de servir le Serviteur de l’homme. - Pour inventer la terre promise
Où le pain se partage, où la parole est libre,
Pour que s’engendre un peuple sans haine
Où la force et l’argent ne seront plus les maîtres,
Pour annoncer le jour du Royaume,
Sa justice et sa paix qui briseront les guerres. - Pour épouser la plainte des autres
En berçant le silence au plus secret de l’âme,
Pour assembler les pierres vivantes
Sur la pierre angulaire où se construit l’Eglise,
Pour entonner un chant d’espérance
Dans ce monde sauvé et qui attend sa gloire.