Dimanche 19 mars 2023

Quatrième dimanche de Carême (A)

Lectures

  • 1 Samuel 16, 1-13 : L’Esprit du Seigneur s’empara de David.
  • Psaume 22 : Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer.
  • Éphésiens 5, 8-14 : Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts et le Christ t’illuminera.
  • Jean 9, 1-41 : Il s’en alla et se lava ; quand il revint, il voyait.

Lire les textes de la liturgie

Réveille-toi, ô toi qui dors !

 

L’aveugle de naissance
Fresques du monastère de l’Emmanuel à Bethléem (1978/9)

L’église du monastère de Bethléem est située au bord du mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie occupée. Elle a été ornée de fresques par les frères roumains Gabriel et Michel Moroshan, entre la fin de l’année 1978 et Pâques de l’année suivante. Les peintres ont travaillé en priant et en jeûnant, parfois accompagnés du son de la cithare dont jouait l’une des sœurs.

Les images accompagnant les homélies du Carême 2023 à la Chapelle Universitaire sont des reproductions tirées du livre Fresques de Bethléem, contemplation de la Parole, Salvator 2014. Elles accompagneront notre chemin de Pâques avec Jésus, en communion avec ces deux peuples, israéliens et palestiniens, à nouveau en un terrible conflit.

 

L’homélie

Frères et Sœurs,

Au long du récit que nous venons d’entendre, un homme, aveugle de naissance, se débat pour faire reconnaître ce qui lui est arrivé et dont il ne peut nier l’évidence : « Je vois ! » C’est merveilleux ! mais il ne sait pas comment cela a pu se faire. Peu à peu, il comprend et finalement il trouve celui qui l’a guéri, il reconnaît en lui son salut : « Je crois, Seigneur ! ». C’est un long chemin, comme est long ce récit dans l’Evangile de Jean. Cela peut éclairer nos propres chemins de conversion, en ce temps de Carême.

Depuis sa naissance cet homme ne voit pas, il est dans la nuit. Il ne sait pas pourquoi, et ses proches non plus, s’interrogent : « Est-ce lui qui a péché ? ou bien ses parents ? ». Aujourd’hui, on dirait familièrement : « Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour mériter telle ou telle chose… ? » Nous nous interrogeons : « Comment Dieu libère-t-il ses enfants du mal ? » La réponse de Jésus est nette : « Ni lui, ni ses parents n’ont péché. » Il s’agit simplement que se révèle dans le cœur des hommes la lumière, la gloire de Dieu. Réponse énigmatique s’il en est. Toute action de Dieu, par son Fils, n’est-elle pas de mener la création à sa perfection, à la lumière, à la gloire donc ?

Si Saint Jean raconte cette guérison avec autant de détails, n’est-ce pas pour signifier quelque chose de plus essentiel que la guérison d’un aveugle de naissance. Cet homme est dans la nuit depuis sa naissance, il est comme tout être humain, comme chacune, chacun d’entre nous, qui, d’une manière ou d’une autre, est menacé par la nuit, par le péché, par la mort…

Au contraire, les ennemis de Jésus pensent être dans la lumière parce qu’ils ont Moïse pour maître. Ces hommes qui croyaient savoir, des pharisiens, qui pensaient être des maîtres et des sages au sein d’une population ignorante et pécheresse, s’enfoncent dans la haine et la violence, au point de vouloir tuer celui qui manifestement sort l’humanité de la nuit, apporte le salut et la vie. Jésus leur dira, au terme du récit, que s’ils pensent être dans la lumière, c’est-à-dire sans péché, alors ils restent dans leur péché qu’ils refusent de voir, dans leur aveuglement.

Et nous ? Finalement de quel côté sommes-nous ? Reconnaissons-nous ce mal qui nous menace, non pas de l’extérieur, mais de l’intérieur, reconnaissons-nous cette nuit où nous trébuchons ? Ne sommes-nous pas aveugles nous aussi ? Finalement nous sommes bien comme le disent les pharisiens à l’aveugle guéri : « Tu es tout entier dans le péché, depuis ta naissance. »

En toute situation humaine, il y a en effet un combat entre la nuit et la lumière, combat qui se joue dès la création du monde. Souvenons-nous : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre… Dieu dit que la lumière soit et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne et Dieu sépara la lumière et les ténèbres. » (Gn 1,1-4) Jésus, au nom de son Père, nous rappelle l’enjeu de ce combat : un enjeu de création. Regardez ! Pour guérir l’aveugle né, Jésus fait de la boue qu’il applique sur les yeux de l’aveugle, comme Dieu fit de la boue avec la glaise du sol pour créer Adam (Gn 2,7). Avec la guérison de l’aveugle de naissance, nous assistons à une nouvelle création, une re-création !

Nous sommes en route vers Pâques. Ainsi que Jésus le dit lui-même, « la nuit vient où personne ne pourra plus y travailler ». Le vendredi saint où il va mourir n’est pas loin. Pour nous aussi, nous ne savons pas ce qui peut nous arriver. Aujourd’hui nous sommes peut-être dans la nuit, la nuit d’une épreuve, d’une souffrance imprévue, d’une mort injuste, comme notre monde qui souffre tant… la nuit de notre péché. En guérissant l’aveugle, Jésus nous révèle que la lumière sera victorieuse, déjà aujourd’hui, il nous annonce la lumière de la Résurrection. Dans trois semaines, comme chaque année, nous fêterons Pâques avec l’Eglise, comme une espérance pour chacune et chacun d’entre nous. Mais nous ne savons pas quand nous serons dans la lumière définitive. Nous sommes ainsi sur un chemin de conversion comme pour les disciples… comme pour cet homme de l’Evangile, comme pour ses parents, ses proches, même les pharisiens (on peut penser qu’ils accepteront un jour de recevoir la lumière) … Nos yeux sont lents à s’ouvrir ; avec l’aveugle reconnaissons-le et poursuivons notre route vers la lumière. Comme l’écrit saint Paul : « Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera ! » Un jour nous pourrons dire en pleine lumière : « Je crois, Seigneur ! »

Père Henri Aubert sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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Un chant pour accompagner notre méditation

Lumière pour l’homme aujourd’hui   

Texte et musique : Didier Rimaud/CNPL

  1. Lumière pour l’Homme aujourd’hui
    Qui viens depuis que sur la terre
    Il est un pauvre qui t’espère,
    Atteins jusqu’à l’aveugle en moi :
    Touche mes yeux afin qu’ils voient
    De quel amour Tu me poursuis.
    Comment savoir d’où vient le jour,
    Si je ne reconnais ma nuit ?
  2. Parole de Dieu dans ma chair
    Qui dis le monde et son histoire
    Afin que l’Homme puisse croire,
    Suscite une réponse en moi :
    Ouvre ma bouche à cette voix
    Qui retentit dans le désert.
    Comment savoir quel mot tu dis
    Si je ne tiens mon cœur ouvert ?
  3. Semence éternelle en mon corps
    Vivante en moi plus que moi-même
    Depuis le temps de mon baptême,
    Féconde mes terrains nouveaux :
    Germe dans l’ombre de mes os
    Car je ne suis que cendre encore.
    Comment savoir quelle est ta vie,
    Si je n’accepte pas ma mort ?