Dimanche 2 janvier 2022
Epiphanie (C)
Le cœur chargé d’or, d’encens et de myrrhe
Textes de la liturgie (à consulter ici)
- Isaïe 60, 1-6 : La lumière du Seigneur se lève pour son peuple.
- Psaume 71 : Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi.
- Ephésiens 3, 2-3a.5-6 : Le mystère de Dieu s’est révélé.
- Matthieu 2, 1-12 : La venue des Mages à Bethléem.
L’adoration des Mages de Giotto, 1305
Chapelle des Scrovegni – Padoue
L’homélie
Frères et sœurs, il y a deux textes dans ce récit de saint Matthieu. Deux textes superposés.
Le premier raconte une histoire qui se passe en un point précis de l’espace et du temps :
« A Bethléem de Judée, aux jours d’Hérode ».
Le second parle de la totalité du temps et de l’espace de la création.
Et ce qui fait passer d’un texte à l’autre, c’est l’étoile.
D’abord, le premier texte. Il a les allures d’un conte merveilleux. Des mages sont en quête d’un roi nouveau-né pour l’honorer et se prosterner devant lui. Ils doivent, pour cela, franchir des obstacles dont les pièges d’un meurtrier, Hérode.
Nous le savons, les contes sont porteurs de sens, en profondeur.
Les mages présents ici sont des hommes de savoir, des chercheurs de vérité. Ce jour-là, en Judée, ils vont découvrir ce qu’est une royauté. Ils se sont levés et ils se mettent en route. Ils quittent leur pays. Ils interrogent les étrangers. Ils s’ouvrent aux Ecritures qui ne sont pas les leurs. Ils franchissent les espaces et convergent vers des lieux de plus en plus précis : Jérusalem, puis Bethléem, puis une maison puis, dans la maison, « ils voient le petit ».
Lorsqu’ils découvrent ce roi-là, eux, savants et puissants, ils se font petits à leur tour : « Ils tombent et ils se prosternent devant lui », dit l’évangéliste. Ils lui offrent ce qu’ils ont de plus précieux. Dans le petit, pauvre et fragile, ils ont reconnu le roi.
Saint Matthieu annonce ainsi la souveraineté de Jésus telle qu’elle est proclamée dans la parabole du jugement dernier.
« Alors, le Roi leur dira : dans la mesure où vous l’avez fait à un de mes frères, les plus petits que voilà, c’est à moi que vous l’avez fait.»[1]
La prosternation des mages devant le « petit » est le décalque de la vénération que demande Jésus pour tous les meurtris de la vie. Le plus petit est le Roi en personne.
Jésus, le Roi qui règne quand l’autre est roi.
Telle est la leçon des mages prosternés, un jour, à Bethléem de Judée : faire régner le Roi.
Mais il y a l’étoile. Elle nous conduit à l’autre texte de ce même récit.
Les mages sont des familiers de la géographie du ciel, le regard tourné vers les étoiles.
« Où est le nouveau-né ? Nous avons vu se lever son étoile », disent-ils.
Les étoiles, comme tous les luminaires de la Genèse, évoquent la Création. L’étoile des mages est une figure de la Création toute entière. Elle oriente vers le Verbe créateur des commencements : «Tout fut par lui, dit saint Jean, et sans qui rien ne fut créé ».[2]
Le Verbe est Dieu tourné vers le monde pour le sauver, éternellement présent et agissant, hors du temps des hommes. Mais qui, à un moment donné de l’Histoire des hommes est venu habiter parmi eux, à Bethléem de Judée.
Un nouveau-né paraît sur la terre et, simultanément, « son étoile »se lève dans le ciel. Le ciel et la terre sont reliés par un même évènement.
Et l’étoile précédait les mages « jusqu’à ce qu’elle vienne se tenir au-dessus du petit ».
L’étoile et le nouveau-né se rejoignent. La création reconnaît son créateur et la création se reconnaît sauvée. Les mages se prosternent devant le Créateur.
Le texte nous dit que les mages viennent du Levant, de là où le soleil se lève. De là où ils ont vu se lever l’étoile et de là où ils se sont levés.
Les mages représentent l’Humanité relevée, réconciliée et sauvée. Toute l’humanité. De tous les temps. Car Dieu n’exclut personne du salut.
La démarche des mages est une action de grâce, un acte de reconnaissance envers celui qui, pour sauver l’humanité, est venu habiter parmi les hommes.
Dans ce récit, les mages sont les représentants des nations. Ils s’agenouillent au nom de tous les peuples de tous les temps. Ils s’agenouillent en notre nom.
Alors, dit le texte, « les mages regagnent leur pays par un autre chemin ».
L’évangile de Matthieu, en son dernier chapitre et en ses derniers mots, est un envoi. Jésus envoie ses onze apôtres : « Allez, de toutes les nations, faites des disciples ». [3]
Les mages étaient venus par le chemin des ambassadeurs des nations. Ils s’en vont par le chemin des disciples pour annoncer encore et toujours la bonne nouvelle du Salut.
Frères et sœurs, ce récit nous enseigne ce que signifie se prosterner devant le nouveau-né de Bethléem : c’est servir et sauver. Servir le Roi en servant les plus petits d’entre ses frères. Et c’est sauver les autres de toutes les formes de malheur : de la dépression et de l’abandon, de l’échec et du rejet, du corps blessé et de l’être perdu.
Servir et sauver, c’est se faire créateur cœur chargé d’or, d’encens et de myrrhe.
Père Jean-Paul Laurent s.j.
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur
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[1] Mt 25,40.
[2] Jn, 1,1
[3] Mt 28, 19.
Pour accompagner la prière
Debout resplendis
Texte et Musique : Jean-Marc Morin / Isaïe 60 – Cahiers du Renouveau
- Debout resplendis, car voici ta lumière,
Et sur toi la gloire du Seigneur, (bis)
Lève les yeux et regarde au loin,
Que ton cœur tressaille d’allégresse,
Voici tes fils qui reviennent vers toi,
Et tes filles portées sur la hanche.
Jérusalem, Jérusalem,
quitte ta robe de tristesse.
Jérusalem, Jérusalem,
chante et danse pour ton Dieu.
- Toutes les nations marcheront vers ta lumière,
Et les rois à ta clarté naissante, (bis)
De nombreux troupeaux de chameaux te couvriront,
Les trésors des mers afflueront vers toi,
Ils viendront d’Epha, de Saba, de Qédar,
Faisant monter vers Dieu la louange. R/ - Les fils d’étrangers rebâtiront tes remparts,
Et leurs rois passeront par tes portes, (bis)
Je ferai de toi un sujet de joie,
On t’appellera “Ville du Seigneur”,
Les jours de ton deuil seront tous accomplis,
Parmi les nations, tu me glorifieras. R/
