Dimanche 20 août 2023

20ème dimanche ordinaire (A)

Lectures

  • Isaïe 36, 1.6-7 : Les étrangers, je les conduirai à ma montagne sainte.
  • Psaume 66 : Que les peuples, Dieu, te rendent grâce !
  • Romains 11, 13-15.29-32 : Les dons gratuits de Dieu et son appel sont sans repentance.
  • Matthieu 15, 21-28 : Femme, grande est ta foi.

Lire les textes de la liturgie

La grâce, comme des miettes qui tombent

Jésus et la femme cananéenne
Codex d’Egbert, entre 980 et 983, Bibliothèque municipale de Trèves (Allemagne)

L’homélie

Frères et soeurs

Il est difficile de bien parler de la grâce. De la définir ou de la décrire. Par contre, la grâce, on peut la raconter. Parce que raconter, c’est donner à voir une histoire au cours de laquelle des personnages se transforment. Et que, précisément, la grâce est une source de transformation et de renouveau des personnes.

Comme dans le récit que nous venons d’entendre. Il nous raconte une histoire de grâces.

Cela se passe sur des frontières : celles qui séparent la Galilée et les territoires de Tyr et de Sidon. Mais cette séparation géographique est là pour mieux en souligner une autre, humaine, cette fois.

Une cananéenne vient à la rencontre de Jésus. Le narrateur de cette histoire met en présence deux êtres que tout oppose : deux étrangers l’un à l’autre, un homme et une femme, un juif et une païenne. Notons que les juifs traitaient les cananéens de « chiens ».

La description du comportement des personnages renforce encore cette opposition. Le texte met en évidence la souffrance de la femme qui se confond avec la souffrance de sa fille.

La cananéenne est implorante et suppliante. Le texte dit qu’elle crie et le verbe utilisé en grec est celui qu’on emploie pour désigner l’aboiement des chiens. Elle est aux pieds de Jésus, prosternée, en position de demande.  C’est bien le tableau d’un être humain en situation d’infériorité extrême qui est, ici, brossé.

S’agissant de Jésus, le texte durcit encore davantage les traits. Il décrit un Jésus intraitable et insensible, voire injurieux. Il commence par un silence méprisant : « Il ne lui répond pas une parole », dit le texte. Il poursuit par une phrase adressée à ses disciples qui met un terme à toute relation avec cette femme : « Dieu m’a seulement envoyé aux gens d’Israël qui sont comme des brebis perdues », sous-entendu, non pas à ces chiens de Canaan. Et enfin, Jésus lance une sorte de sentence de condamnation qui dit la supériorité d’Israël sur tout autre nation : « Il n’est pas beau de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens ».

Entre Jésus et cette cananéenne, rien ne passe. Pas de frontière plus étanche que celle-là.

C’est à cet endroit du texte que tout change. Jésus vient de parler du pain des enfants et des chiens. Voilà que la femme saisit cette parole au bond : « Oui, dit-elle, mais les chiens mangent les miettes qui tombent de la table ». Deux phrases parallèles l’une à l’autre. L’une d’un côté de la frontière, chez Jésus, l’autre du côté de la femme. Mais la répartie de la cananéenne opère un renversement au sens littéral du terme. Elle renverse la barrière verticale qui la séparait de Jésus. Elle la remplace par une frontière horizontale : celle de la table qui sépare les enfants des chiens. Mais ici, la barrière est poreuse : les miettes passent. Elles relient. Elles instaurent une communication entre le dessus et le dessous. La phrase de la cananéenne est une image mais elle est aussi un acte : en reprenant la parole de Jésus, elle force le dialogue. Les mots de l’un et de l’autre passent entre eux comme les miettes entre les enfants et les chiens.

La femme est transformée. Elle n’est plus en situation de demande. Elle prend une posture enseignante en s’adressant à Jésus. Elle ne le contredit pas, mais elle le recadre. Elle était comme une enfant parlant au nom de son enfant. Elle est devenue un sujet parlant.

Quelle a été l’occasion de cette transformation ? La foi en des évènements qu’on ne peut pas empêcher parce qu’ils sont donnés. Ils adviennent gratuitement et gracieusement. On ne peut empêcher les miettes de tomber et de nourrir les chiens, pour rien.

On ne peut pas empêcher Dieu de faire tomber sa grâce sans réserve et sans calcul. La cananéenne a été une bonne lectrice de la grâce.

Le récit de saint Matthieu montre aussi que Jésus est humainement transformé. Le texte nous fait retrouver le Jésus miséricordieux qui relève et qui relance en humanité. « Ô femme, lui dit-il, ta foi est grande, qu’il arrive ce que tu veux ».

Observons que, par cette phrase, Jésus se fait, à son tour, lecteur de la grâce. Il proclame la foi de la cananéenne et il reconnaît que s’est effondré le mur qui le séparait de cette étrangère. Et cet effondrement de ce qui était une entrave à la vie, personne n’a pu l’empêcher. Cela a été donné par grâce.

Mais l‘histoire n’est pas finie. La grâce continue de passer. « Dès cette heure-là, dit le texte, la fille de la cananéenne fut rétablie ». Or personne, dans ce récit, n’a rien fait pour cela. Ni les supplications de la femme, ni aucun geste, ni aucune parole de Jésus. Celui-ci n’a été qu’un témoin. Il a seulement établi un lien entre la foi en la grâce qui a habité la femme et son désir de vivre : « Ta foi est grande, qu’arrive ce que toi, tu veux ».

Elle voulait s’en remettre à la grâce de Dieu.

Quel enseignement sur la grâce ce récit nous livre-t-il ? Que nous sommes appelés à devenir des « lecteurs de la grâce » au sein de notre existence. Y compris dans les épreuves que nous traversons. Rien ne l’empêche de venir à nous. Comme rien ne peut empêcher les miettes de tomber.

Cependant, la grâce ne se reçoit pas passivement. Elle requiert notre responsabilité. On va à la rencontre de la grâce, avec foi. On saisit la grâce. Comme la cananéenne à l’écoute des paroles de Jésus.

La grâce nous est donnée. Pour nous relier au-delà de toute barrière et de toute frontière. La grâce est là. La grâce, comme des miettes qui tombent.

Père Jean-Paul Laurent sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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Un chant pour accompagner notre méditation

Trouver dans ma vie ta présence

Paroles et musique : Jean-Claude Gianadda

Trouver dans ma vie ta présence,
Tenir une lampe allumée,
Choisir avec toi la confiance,
Aimer et se savoir aimé.

  1. Croiser ton regard dans le doute, brûler à l’écho de ta voix,
    Rester pour le pain de la route, savoir reconnaître ton pas.
  2. Brûler quand le feu devient cendre, partir vers celui qui attend,
    Choisir de donner sans reprendre, fêter le retour d’un enfant.
  3. Ouvrir quand tu frappes à ma porte, briser les verrous de la peur,
    Savoir tout ce que tu m’apportes, rester et devenir veilleur.