Dimanche 5 mai 2024

Sixième dimanche de Pâques (B)

Lectures

  • Actes 10, 25… 48 : Dieu est impartial : Il accueille, quelle que soit la nation.
  • Psaume 97 : Le Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations.
  • 1 Jean 4, 7-10 : Dieu est amour.
  • Jean 15, 9-17 : Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande.

Lire les textes de la liturgie

Parlez-moi d’amour.

Le Christ et son ami Ména, Icône copte du VIII° siècle.
Musée du Louvre Paris

Homélie

Frères et sœurs

« Parlez-moi d’amour, redites-moi des choses tendres… » Frères et sœurs, vous vous souvenez des paroles de cette vieille chanson qui disait ce que disent toutes les chansons, toutes les romances et tous les romans du monde. Ce sont des paroles qui expriment un désir profondément ancré en tout être humain : celui d’être aimé.

Et bien, c’est de ce désir-là que parle le texte évangélique de ce dimanche. Nous allons le comprendre. Observons les mots : les termes « aimer » et « amour » sont répétés de phrase en phrase. Réécoutons le début : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi, je vous ai aimés ». Quelqu’un, Jésus, proclame avoir été aimé par son Père. Il ajoute que d’avoir été ainsi aimé, lui a donné d’aimer à son tour. Et voilà que ce même amour se prolonge. C’est la conclusion du texte : « Voici mon commandement, aimez-vous les uns les autres ».

Mais au cours du texte, l’amour change de direction. Au début, il descend. A la fin, l’amour s’étend. De vertical, il devient horizontal. Aimer allait du haut vers le bas. Du Père à Jésus et de Jésus à ceux auxquels il s’adresse. Mais ensuite, il se met à circuler de tous les côtés : des uns vers les autres. Que signifie cette modification de trajet ?

Commençons par l’amour qui descend. Il ne fait que descendre. Il ne remonte pas. Il n’y a rien avant lui. A l’inverse, tout advient après lui. Quelqu’un aime et il fait exister un autre. Des autres. Aimer est puissance de vie. Et donc notre vie est sourcée dans l’amour que Dieu nous porte. Tel est le premier enseignement de ce texte.

Mais que se passe-t-il lorsque cet amour se met à circuler entre nous ? Est-ce le même amour ? A-t-il quelque chose à voir avec nos désirs et nos besoins de tendresse ? Avec ce qui fait battre nos cœurs et avec ce qui parfois les fait saigner ? Parle-t-il de nos alliances qui s’usent ou et de celles qui, au contraire, s’approfondissent au fil du temps ?

La réponse est là, dans le texte, au moment précis du passage de l’amour descendant à l’amour circulant. Par une phrase-clé qui définit le plus haut degré de l’amour, souvent traduite : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ».

Mais il faudrait traduire plus exactement. Au plus près des mots. On obtient alors la phrase suivante : « Personne n’a plus grand amour que celui qui dispose sa vie pour qu’adviennent des personnes aimées ». Il y a, ici, deux correction importantes.

D’abord, saint Jean, pas plus ici qu’ailleurs[1], ne dit « donner » sa vie. Il utilise un verbe qui signifie « disposer ». Disposer sa vie. Mettre sa vie à disposition.

Or disposer sa vie implique l’être humain tout entier, l’ensemble de ses choix, de ses idéaux, de ses projets, de ses relations et, évidemment, de ses affections. Donner sa vie pour un autre est beau et héroïque. Mais on n’y est pas appelé chaque jour.  Par contre, orienter sa vie avec ouverture et disponibilité est de l’ordre des réalités concrètes.

Ensuite, cette disposition de vie n’est pas à comprendre comme limitée à un cercle d’amis. « Pour », c’est, en grec, « hyper » avec un sens de grandeur ou d’élévation. Et « ami » est trop restreint. Il faut dire « aimé ». Tout amour fait naître, nous l’avons vu. Il s’agit bien, ici, de faire se lever des personnes par l’amour qu’on leur donne.

La phrase parle donc deux fois d’aimer : d’aimer au plus haut degré et de disposer sa vie pour aimer. Oui mais en grec, ce n’est pas le même mot. Le grec détient deux mots différents pour dire amour. Le premier (Agapè) est utilisé par saint Jean pour désigner l’amour premier qui vient de Dieu. Et c’est bien ce mot que nous avons rencontré dans notre texte « Le père m’a aimé : je vous ai aimés, aimez-vous ». Le second mot (Filia) désigne « l’amour qui vient du fond du cœur de l’homme ». L’amour d’affection. L’amour « tendresse ». Notons que dans le dialogue entre Pierre et Jésus ressuscité. Jésus lui demande « Simon as-tu de l’affection pour moi » et celui-ci répond : « Oui, Seigneur, tu sais que j’ai de l’affection pour toi » (Jn 21, 17).

Or notre sentence nous met sous les yeux un constat bouleversant : le plus haut degré de l’amour divin descendu jusqu’à nous, c’est l’amour d’affection, l’amour-tendresse. Notre phrase, en effet, contient les deux amours : nul n’a plus grand amour divin que celui qui aime de l’amour d’affection. Et cet amour-là, nous le comprenons, il recouvre toute la gamme des amours en humanité. Jusqu’au plus intime.

Saint Jean nous enseigne que l’amour dont Dieu nous aime nous donne d’aimer tendrement et, ainsi, de faire surgir des êtres aimés.

Et alors, nous dit saint Jean, nous aimons « comme Jésus nous a aimés ». Avec gratuité. Avec fidélité. Sans rien se réserver.

« Parlez-moi d’amour ». Frères et sœurs, le texte de Jean nous parle de l’amour que chantent nos chansons.

Amour humain. Très humain. Amour divin.

La caresse d’une main humaine est la caresse même de l’amour de Dieu.

[1] « Le Bon Pasteur dispose sa vie pour ses brebis » (Jn 10, 11),
« Nous aussi nous devons disposer notre vie pour nos frères » (1Jn 3,16), par exemple.

Père Jean-Paul Laurent sj

Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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Un chant pour accompagner notre méditation

Je vous ai choisis

Paroles et musique : C. Lorenzi

  1. Je vous ai choisis, je vous ai établis
    Pour que vous alliez et viviez de ma vie.
    Demeurez en moi, vous porterez du fruit,
    Je fais de vous mes frères et mes amis.
  2. Contemplez mes mains et mon cœur transpercés,
    Accueillez la vie que l’Amour veut donner.
    Ayez foi en moi, je suis ressuscité,
    Et bientôt dans la gloire, vous me verrez.
  3. Recevez l’Esprit de puissance et de paix,
    Soyez mes témoins, pour vous j’ai tout donné.
    Perdez votre vie, livrez-vous sans compter,
    Vous serez mes disciples, mes bien-aimés !
  4. Consolez mon peuple, je suis son berger.
    Donnez-lui la joie dont je vous ai comblés.
    Ayez pour vos frères la tendresse du Père,
    Demeurez près de moi, alors vous vivrez !