Dimanche 5 mars 2023

Deuxième dimanche de Carême (A)

Lectures

  • Genèse 12, 1-4a : Quitte ton pays….
  • Psaume 32 : Que ton amour, Seigneur, soit sur nous comme notre espoir est en toi !
  • 2Tim 1, 8b-10 : Notre Sauveur, le Christ Jésus, s’est manifesté.
  • Matthieu 17, 1-9 : Celui-ci est mon Fils bien-aimé.

Lire les textes de la liturgie

Réapprenons à nous émerveiller

La transfiguration
Fresques du monastère de l’Emmanuel à Bethléem (1978/9)

L’église du monastère de Bethléem est située au bord du mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie occupée. Elle a été ornée de fresques par les frères roumains Gabriel et Michel Moroshan, entre la fin de l’année 1978 et Pâques de l’année suivante. Les peintres ont travaillé en priant et en jeûnant, parfois accompagnés du son de la cithare dont jouait l’une des sœurs.

Les images accompagnant les homélies du Carême 2023 à la Chapelle Universitaire sont des reproductions tirées du livre Fresques de Bethléem, contemplation de la Parole, Salvator 2014. Elles accompagneront notre chemin de Pâques avec Jésus, en communion avec ces deux peuples, israéliens et palestiniens, à nouveau en un terrible conflit.

 

L’homélie

Frères et Sœurs,

J’ai parfois été gêné par le récit de la Transfiguration. Quelle est l’utilité d’une telle expérience ? Que Jésus guérisse la belle-mère de Pierre ou bien qu’il purifie un lépreux : on voit à quoi ça sert ! Mais que peut-on faire d’une expérience de transfiguration ? De plus il y a tous ces éléments surnaturels, les « effets spéciaux d’une théophanie » ; il y a surtout cette expérience qui fait sortir du temps, qui met en surplomb de l’histoire : Moïse et Élie, protagonistes d’époques bien distinctes conversent avec Jésus, en présence des trois disciples pourtant bien ancrés dans leur époque. J’ai pu, avec le temps, progresser et trouver des éléments de sens à ce qui d’abord me rebutait. Je vous en partage quelques éléments.

Il me semble que le récit de la Transfiguration est comme une « bande annonce » de Pâques. Notre période de Carême nous conduit vers Pâques. Le Carême n’est pas une parenthèse – il faut bien une période de pénitence – c’est plutôt une période de préparation, de marche vers… Le récit de la Transfiguration nous dit vers quoi nous marchons : vers la révélation du Christ en gloire, vers la révélation qu’il est le Fils bien-aimé – le modèle parfait de l’humain – celui qui est en communion parfaite avec le Père. Mais cette révélation de gloire se vit sur le chemin vers Jérusalem : il n’y a pas de révélation de sa gloire, sans passage par la croix. Bref le récit de la Transfiguration de Jésus nous indique vers quoi nous progressons en cette période de l’année liturgique.

De plus, le récit insiste sur la transcendance de Dieu… Nous risquons souvent de ramener Dieu à notre mesure, à la mesure de nos besoins et de nos envies. Mes élèves me disaient parfois : « Vous croyez en Dieu, parce que c’est facile ! Ça vous rassure ! Dieu vient boucher tous les trous qui vous effraient ! » Je leur répondais alors : « Si c’était facile, vous croiriez vous aussi ! » car mes élèves ne se caractérisaient pas par une propension à choisir la difficulté. De plus, les lectures d’aujourd’hui montrent combien la relation à Dieu n’est pas facile : Dieu ne vient pas apporter des réponses sur mesure à mes besoins et à mes questions. Il surprend et il dérange : « Quitte ton pays, ta famille et ta parenté » pour Abraham ; quant aux disciples, « ils furent saisis d’une grande crainte ».

Avons-nous jamais fini de comprendre la Parole de Dieu ? Pouvons-nous jamais dire : « Ça y est ! Maintenant j’ai cerné complètement le sens de la vie, j’ai tout compris de mon Seigneur » ? Même ses apôtres, quand ils pensent avoir saisi quelque chose de leur maître, semblent « se planter » dans les versets qui suivent.

Croire en la transcendance de Dieu, ce n’est pas seulement reconnaître qu’on ne le voit pas, c’est aussi accepter et accueillir la surprise, se laisser étonner, tomber à genoux de respect. La montagne, la nuée, la crainte constituent des éléments propres à une expérience de transcendance : cette expérience où je me sens dépassé, tiré au-delà de moi-même. Je ne maîtrise plus puisque c’est l’obscurité, je ne maîtrise plus, puisque j’ai peur, je ne maîtrise plus puisque je suis ébloui. Il y a plus que moi, plus que ma raison, plus que mes désirs dans ma relation à Dieu. Je suis sorti de moi-même.

Aussi je vous propose une question-défi en ce début de deuxième semaine de Carême. Quand vous autorisez-vous à faire une expérience de ravissement, qui vous sorte de vous-même ? Quand êtes-vous allé vous éblouir devant un coucher de soleil à la mer ? Quand êtes-vous allé vous laisser écraser ou émerveiller par la beauté des montagnes, par leur grandeur, notre petitesse, leur silence ? D’ailleurs il ne faut pas nécessairement aller aussi loin pour une telle expérience qui nous fasse sortir de nous-mêmes. Dans un livre déjà ancien, où le cardinal Danneels se laissait interviewer, l’ancien primat de Belgique confessait qu’il terminait ses journées par quelques dizaines de minutes de musique classique, expérience de ravissement. C’est peut-être d’autant plus important que nous sommes stressés par nos activités immanentes. C’est d’autant plus important que nous risquons – surtout les jeunes – de nous enfermer dans un monde virtuel, ou dans un monde de bruits continuels. L’émerveillement est une première étape de notre expérience de transcendance, parce que l’émerveillement nous sort de nous-mêmes, de nos calculs, de nos prévisions.

Parents et grands-parents, apprenez à vos enfants et petits-enfants à s’émerveiller et à apprécier la beauté, avant de se mesurer devant la PlayStation.

Parents et grands-parents, prenez le temps vous-mêmes de sortir de votre quotidien, pour goûter le silence.

Je résume :

  • Le Carême n’est pas une fin en soi, mais un chemin vers Pâques, vers le Christ ressuscité qui est au-delà du temps.
  • Le Carême est une période dérangeante, où l’on me rappelle que Dieu n’est pas à la mesure de mes petits besoins.
  • Transcendant il me fait sortir de moi-même. Réapprenons à nous émerveiller, à nous laisser étonner et éblouir.

Père Thierry Dobelstein sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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Un chant pour accompagner notre méditation

Aujourd’hui, montons sur la montagne où Jésus resplendira

Texte : Jean Servel – Musique : Mannick

  1. Aujourd’hui, montons sur la montagne où Jésus resplendira.
    Aujourd’hui, montons sur la montagne où Jésus resplendira.
    Qui tiendra, Seigneur, dans ta lumière ?
    Qui affrontera la croix ?
    Aujourd’hui, montons sur la montagne où Jésus resplendira.
  2. Aujourd’hui, restons dans la lumière, Jésus-Christ nous gardera.
    Aujourd’hui, restons dans la lumière, Jésus-Christ nous gardera.
    Guéris-nous Seigneur, par tes blessures,
    Crée en nous un cœur nouveau
    Aujourd’hui, restons dans la lumière, Jésus-Christ nous gardera.
  3. Aujourd’hui, marchons dans la lumière, Jésus ressuscitera.
    Aujourd’hui, marchons dans la lumière, Jésus ressuscitera.
    Ouvre-nous les portes de la vie, ouvre-nous les temps nouveaux.
    Aujourd’hui, marchons dans la lumière, Jésus ressuscitera.