Dimanche 22 septembre 2024
Vingt-cinquième dimanche du temps ordinaire (B)
Lectures
- Sagesse 2, 12.17-20 : Attirons le juste dans un piège.
- Psaume 53: Le Seigneur est mon appui entre tous.
- Jacques 3,16 à 4,3 : C’est dans la paix qu’est semée la justice.
- Marc 9, 30-37 : Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci…
Lire les textes de la liturgie
La gloire de Dieu, c’est l’homme grand.
Chaire à prêcher de l’église Saint-Loup de Namur
Benjamin Devigne – 1876
Homélie
Frères et sœurs,
Vivre est difficile. Et souvent, à des degrés divers, les relations humaines sont remplies de conflits. Lorsqu’on ouvre les textes de la liturgie de ce jour, on en a l’illustration. Dans la première lecture extraite du livre de la Sagesse, on y parle de gens qui méditent le mal et qui s’en prennent avec violence à la vie du juste : « Attirons-le dans un piège, car il nous contrarie ; condamnons-le à une mort infâme ». Dans la seconde lecture, saint Jacques parle des violences qui déchirent l’humanité : « D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien. Alors vous tuez, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre ». Et dans l’Evangile, Jésus lui-même annonce la violence extrême à laquelle il sera soumis : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes et ils le tueront ». Et c’est à ce moment précis où Jésus annonce sa mort violente qu’il trouve ses disciples se disputant pour savoir qui est le plus grand.
Ainsi, avons-nous dans les lectures d’aujourd’hui l’évocation de la violence qui habite notre humanité, qui nous habite et qui habite le monde de manières diverses et à des degrés divers. Il suffit de lire l’actualité pour voir combien la vie commune en humanité est difficile et représente un défi de tous les jours.
Comment Jésus agit-il face à ces difficultés ? Comment, notamment, réagit-il devant la querelle des disciples. Il nous est dit, dans le récit évangélique, que Jésus commence par s’asseoir. Prendre une position assise, c’est quitter une position de combat, prendre une attitude désarmée et désarmante. Et là, assis, appelant les disciples autour de lui, Jésus leur livre un enseignement : un enseignement sur l’art de vivre ensemble. « Si quelqu’un veut être le plus grand, qu’il soit le dernier de tous et prenne la place du serviteur ». Cette phrase, si l’on y réfléchit bien, est véritablement révolutionnaire ; elle renverse les choses, elle met fin à la violence, elle énonce les conditions, à la racine, de la paix et du bonheur pour tous, collectivement et personnellement. « Si quelqu’un veut être le plus grand… » Remarquons que Jésus ne récuse pas et ne critique pas le désir d’être le plus grand ; au contraire, il nous dit comment le devenir. « Celui qui veut être le plus grand, qu’il prenne la place du serviteur ! »
C’est ce que Jésus a fait réellement durant toute sa vie et montré symboliquement. Souvenez-vous de la scène du lavement des pieds. Jésus alors qu’il va être livré, se ceint d’un linge et se met à laver les pieds de ses disciples. « Vous m’appelez maître, leur dit-il, et vous avez raison. C’est un exemple que je vous ai donné pour que vous fassiez de même » (Jn 13,14-15). « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15,12). Ainsi donc celui qui veut être le plus grand, qu’il prenne la place du serviteur ; en s’abaissant, qu’il aide les autres à grandir, qu’il se mette au service de la croissance, de l’élévation des autres et alors il se grandira lui-même. Il sera grand. Une grandeur qui n’écrase pas, qui ne domine pas, mais aide, supporte, soutient et fait grandir. Nous avons tous rencontré un jour ou l’autre un bon samaritain, qui nous a communiqué sa force, nous a remis en selle, nous a hissés sur la monture et remis debout. Ce samaritain-là était grand. En d’autres termes, dans la perspective évangélique, vouloir être le plus grand, ce n’est pas vouloir dominer et commander, mais c’est relever et mettre debout toujours ; c’est vouloir exceller dans le service.
On peut invoquer ici la tradition du « magis » ignatien : « magis », vous le savez, cela veut dire en latin « davantage » ; le « magis » dans la tradition ignatienne est un appel à servir mieux et davantage. Il peut y avoir même une rivalité entre nous à cet égard, mais, cette fois, c’est une rivalité, une émulation mutuelle dans l’excellence du service. Et quand tous s’emploient ainsi à faire grandir, alors les communautés humaines et la société toute entière prospèrent. Et chacun et chacune, de par cette communion, grandit personnellement.
Le texte évangélique continue en disant que Jésus, à la suite de son enseignement aux disciples, en montre l’incarnation concrète. Jésus prenant un enfant le plaça au milieu d’eux, l’embrasse et leur dit : « Quiconque accueille en mon nom tel un enfant, c’est moi qu’il accueille et Celui qui m’a envoyé ». Ce que Jésus invite à faire, c’est à accueillir l’autre, tout autre, tel un enfant, c’est-à-dire de la même manière que l’on accueille un enfant. Accueillir ainsi l’autre tel un enfant, ce n’est pas l’infantiliser ni avoir à son égard un comportement infantile, mais c’est rejoindre l’autre dans son désir de croissance, dans son désir de reconnaissance, dans son désir de justice, de bonheur et de paix. C’est, à l’exemple de Jésus, relever et mettre debout toujours. Un enfant désire grandir. Mais ce désir de grandir n’a pas d’âge. Quel que soit notre âge, il y a un espace devant nous pour désirer grandir. Ce que demande Jésus, c’est que nous nous mettions au service les uns des autres dans notre désir de grandir ensemble et personnellement. Là est l’antidote de toute violence, là est la clef du bonheur de tous et de chacun.
Et Jésus poursuit son enseignement. Nous accueillir ainsi mutuellement dans notre désir de grandir, en nous faisant serviteurs les uns des autres, c’est accueillir Jésus lui-même ; c’est accueillir Celui qui l’a envoyé, Dieu, le Père du monde et de tous les êtres, que nous laissons agir en nous. La gloire de Dieu, c’est l’homme grand.
Père André Fossion sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur
Un chant pour accompagner notre méditation
Vous serez vraiment grands
Paroles : P. Marie-Joseph, o.f.m. cap – Musique : Fr. Fr. J.-B. du Jonchay, o.c.d
Vous serez vraiment grands,
dans la mesure où vous êtes petits,
Vous serez alors grands dans l’Amour,
vous serez alors grands dans l’Amour.