Dimanche 23 janvier 2022
Troisième dimanche ordinaire (C)

Dimanche de la Parole
Paroles de grâce

Textes de la liturgie (à consulter ici)

  • Néhémie 8, 2-4a.5-6.8-10 : Esdras ouvrit le livre.
  • Psaume 18 B : Tes paroles, Seigneur sont esprit et elles sont vie.
  • 1 Corinthiens 12, 12-30 : Nous formons un seul corps.
  • Luc 1, 1-4 ; 4, 14-21 : Jésus ouvrit le livre.

 

L’homélie

Frères et sœurs, ce récit est celui d’un rendez-vous entre Jésus et un texte.  Tous les deux vont à la rencontre l’un de l’autre. Jésus parcourt l’espace géographique. Le texte remonte le temps.

La marche de Jésus est assurée. Il avance sans hésiter vers un lieu précis. Après le baptême dans le Jourdain et les quarante jours au désert, il revient en Galilée. Il se rend à Nazareth. Il pénètre dans la synagogue. Là, il s’en va occuper le lieu d’où se fait la lecture. On lui apporte un livre. Il approche du but. Il ouvre le livre, il le déroule – c’est un rouleau[1] -, il découvre un petit espace du papyrus qui laisse apparaître quelques lignes d’écriture : le texte est au rendez-vous.

Il y est au terme d’un long parcours dans le temps, depuis la haute antiquité. Il a traversé les siècles. Il se trouve dans le Lévitique mais il date de l’époque de la loi de Moïse[2]. Il s’agit d’une prescription : « Vous ferez retentir le cor dans tout votre pays, vous déclarerez sainte la cinquantième année et vous proclamerez la libération pour tous ».

Cette loi voulait donc que, tous les cinquante ans, une « année de grâce » soit instituée : on proclamerait, au son du cor[3], la liberté pour les esclaves, la remise de toutes les dettes, la redistribution juste de toutes les terres à tous les habitants. Mais, à cause de ses exigences et de la dureté du cœur de l’homme, cette loi, quelque peu révolutionnaire, ne fut pas appliquée. Voilà un texte en attente de réalisation.

Quelques siècles plus tard, le texte prend une forme nouvelle : celle d’une prophétie rédigée par Isaïe[4] : c’est la promesse, de la part de Dieu, d’un geste de grâce et de libération des opprimés de toutes sortes. Le texte de la loi de Moïse s’est transformé en un texte d’espérance. En attente d’accomplissement.

Saint Luc nous conduit, par son récit, à ce moment et à ce lieu d’accomplissement : ceux de la rencontre de Jésus et du texte. Ceux d’un évènement.

Observons ce que dit le récit. Il rapporte que Jésus se lève, puis se rassied, qu’il ouvre le livre puis le referme et qu’au cours de ces opérations, « il trouve le lieu où il est écrit : l’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’a consacré pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, aux captifs, la libération ». Mais, à aucun moment, il n’est dit que Jésus « lit » le texte.  Pourquoi ? Parce que Jésus ne peut être un simple lecteur qui se tiendrait à distance de ces mots qui attendaient, pour agir, de rencontrer leur auteur véritable. Luc nous aide à le comprendre.

Jésus, nous dit-il, « ouvre le livre ». Il libère les mots enfermés. Ces mots appartiennent au monde passé, celui où ils ont été écrits.  Jésus fait entrer ces mots dans le monde où il vit et où il parle. Il les fait entrer dans son corps et en les prenant en charge, il leur donne corps.

Quand il dit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi », le mot « Moi » désigne son propre corps, parlant à ce moment, dans la synagogue de Nazareth. L’Envoyé du Père pour sauver les hommes le déclare solennellement : il vient apporter la grâce du Salut à l’humanité.

Ce récit livre un enseignement sur la Parole de Jésus. Elle est proche de l’eucharistie.
La parole, quelle qu’elle soit, est liée au corps. Elle prend sa source dans le corps, elle est, en tant que voix, matière corporelle, elle touche le corps de celui qui la reçoit et elle est présence de celui qui l’émet.
Mais nous vivons aujourd’hui au temps de l’absence du corps physique de Jésus.

Alors, de même qu’il a institué l’Eucharistie, Jésus nous a laissé sa Parole sous la forme de témoignages écrits comme, notamment, les Evangiles.
Recevoir la parole de Jésus par le biais du « corps »[5] de l’Ecriture, c’est être relié à lui, vivant.

Ecoutons, à ce propos, le pape Benoît XVI : « La proclamation de la Parole de Dieu dans la célébration implique la reconnaissance que le Christ lui-même est présent et s’adresse à nous pour être écouté. Le Christ, réellement présent dans les espèces du pain et du vin est présent analogiquement dans la parole proclamée de la liturgie.[6] » Le Pape cite saint Jérôme : « Quand nous écoutons la Parole de Dieu, c’est la chair du Christ qui tombe dans nos oreilles »[7].

La Parole de Dieu est libératrice. Elle ouvre nos oreilles et notre cœur. Elle libère notre propre parole. Elle indique la vocation de toute parole : rendre libre.
Il y a la parole libérée, la parole échangée, la parole donnée.
Ces paroles-là font sortir de toutes les formes d’endurcissement, d’aveuglement, d’enfermement. Ce sont des paroles de grâce.

Père Jean-Paul Laurent s.j.
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

[1] On pourrait dire aussi « un volume » du latin volumen qui signifie « chose enroulée ».

[2] Lv 25, 8-11

[3] Le cor est un instrument de musique fabriqué à partir d’une corne bélier. Celui-ci est appelé obel en hébreux. C’est pourquoi on a nommé cette année le « jubilé ». Nous préférons dire, ici, « année de grâce » même si la traduction liturgique parle d’« année de bienfaits ».

[4] Es 61, 1-2

[5] Les spécialistes de la Bible parlent du corpus de l’Ecriture.

[6] Benoît XVI, Verbum Domini, 56.

[7] Psalmium 147

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Pour accompagner la prière

Comme un souffle fragile

Paroles : Pierre Jacob Musique : Gaëtan de Courrèges

R. Comme un souffle fragile,
Ta parole se donne
Comme un vase d’argile,
Ton amour nous façonne.

1. Ta parole est murmure,
Comme un secret d’amour,
Ta parole est blessure
Qui nous ouvre le jour.

2. Ta parole est naissance,
Comme on sort de prison,
Ta parole est semence
Qui promet la moisson.

3. Ta parole est partage
Comme on coupe du pain,
Ta parole est passage
Qui nous dit un chemin.