Dimanche 9 juillet 2023

14ème dimanche ordinaire (A)

Lectures

  • Zacharie 9, 9-10 : Voici ton roi qui vient à toi !
  • Psaume 144 : Mon Dieu, mon Roi, je bénirai ton nom, toujours et à jamais !
  • Romains 8, 9.11-13: L’Esprit de Dieu habite en vous.
  • Matthieu 11, 25-30 : Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau.

Lire les textes de la liturgie

Quand ma croix devient lourde…

 

L’icône de la Miséricorde
Année jubilaire de la Miséricorde, 2015-2016

L’homélie

Frères et sœurs,

La lecture du récit évangélique (Mt 11, 25-30) de ce jour a des aspects énigmatiques. Je parle de la dernière partie du texte où il est question de fardeau et de joug, de fatigue et de repos.

Il existe de nombreuses raisons de mettre à part ce petit ensemble textuel. Son thème d’abord, bien unifié, tranche avec ce qui précède et ce qui suit. Il ne se trouve dans aucun autre évangile. Il a été « accroché » tardivement à l’évangile de Matthieu. C’est un texte « venu d’ailleurs » par son propre chemin.

En plus, c’est le seul endroit où l’on parle du cœur de Jésus.

Quant à son origine, remarquons la parenté d’une de ses phrases avec un extrait du livre de la Sagesse : « Approchez de moi, tous les surchargés, prenez sur vous mon joug et vous trouverez le repos », d’une part et « Approche-toi de la sagesse, prends son fardeau sur tes épaules et tu trouveras le repos »[1], d’autre part. Le premier passage est évidemment un remaniement du second. Ce qui nous fait comprendre que, chez Matthieu, Jésus est la vraie sagesse capable de donner le vrai repos.

Mais nos questions restent entières. De quel repos s’agit-il ? De quelle fatigue ? De quel fardeau ?

Un mot du texte nous aide à répondre. Il donne une précision au sujet de ce repos : « Vous trouverez du repos pour votre âme ». Le mot grec traduit par âme est Psuchè. Nous le connaissons : c’est le mot à partir duquel on a construit, notamment, le terme psychisme. Il désigne ce qui fait l’être spécifique de chaque personne. Ce qui fait qu’on est soi. C’est la personne dans sa singularité. Plus largement, il désigne notre vie personnelle.

Or il arrive que la vie soit lourde à porter : « La vie me pèse » entend-t-on parfois.

On ressent une sorte de vertige : on se demande quel est le sens de sa vie.

C’est, notamment, le cri de Rebecca, qui, dans la Genèse, se lamente d’être stérile : « S’il en est ainsi, s’exclame-t-elle, pourquoi est-ce que moi, je suis ? » (Gn 25, 22) Pourquoi suis-je comme je suis et pas comme un autre ?

Observons-le bien : quand la vie nous pèse, c’est l’autre qui nous pèse. La question d’être soi, c’est, inséparablement, la question d’être avec l’autre.

Dans un roman russe célèbre intitulé Oblomov[2], le héros souffre d’un mal que l’on pourrait appeler la langueur. Tout, dans le monde extérieur, l’accable. Il ne supporte pas le moindre tumulte. Il arrête son travail. Il se retranche chez lui. Puis, finalement, il ne quitte plus sa chambre. Il en arrive à ne plus ouvrir ses volets. Même la lumière lui est insupportable. Bref, tout ce qui est « autre » le dérange ; il y a toujours « trop d’autre dans l’air ». Il finira par mourir de somnolence, de nonchalance, d’indolence. On peut faire la grève de tout. On ne peut faire la grève de l’autre et vivre.

Le repli sur soi ou son contraire, la compétition (dépasser l’autre), n’engendre que fatigue et lourdeur de vie. Parce que, remarquons-le, dans tous les cas, l’autre est de trop. La pesanteur, c’est quand on ne veut pas de l’autre. Cela s’appelle l’orgueil de soi.

La sagesse de Jésus apporte la réponse à cette pesanteur. Réécoutons sa parole : « Apprenez de moi, car je suis doux et humble de cœur. Prenez mon joug, il est bienfaisant et ma charge légère ». Il s’agit donc d’apprendre de Jésus et d’apprendre l’humilité qui est la sienne.

Il s’agit de passer de l’orgueil de soi à l’humilité : nous ne pouvons pas advenir sans l’autre. Il faut aller vers autrui. Il n’y a pas de moi sans toi.

Mais le texte nous conduit plus loin. En grec, le mot « humble » signifie aussi « humilié ». Comment ne pas voir, ici, en Jésus humble de cœur, l’Humilié de la croix, la figure de tous les humiliés du monde ?

Et la parole qu’il nous adresse, « Venez à moi », est un appel à aller vers les humiliés du monde.

Alors, nous le comprenons, aller vers les humiliés pour partager leur fardeau libère de la pesanteur du repli sur soi. C’est une démarche d’amitié et de fraternité. Alors, les lourds fardeaux deviennent légers. C’est la légèreté de la grâce : celle que donne le Ressuscité.

« Vous trouverez le repos », dit Jésus. Et si le repos, c’était l’entrée dans la terre promise ?

N’est-il pas écrit quelque part : « Heureux les doux, les humbles, ils auront la terre en héritage »[3] ?

Frères et sœurs, Mère Teresa de Calcutta, dans sa prière la plus célèbre, réalise parfaitement l’enseignement du passage évangélique d’aujourd’hui :

« Seigneur, quand je ne pense qu’à moi, tourne mes pensées vers autrui
Quand je  suis découragée, envoie-moi quelqu’un à encourager
Quand ma croix devient lourde, donne-moi la croix d’un autre à partager ».

Père Jean-Paul Laurent sj
Communauté Notre-Dame de la Paix, Namur

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[1] Sirac le Sage, 6.

[2] Yvan GONTCHAROV, Oblomov, Edition des Mémoires Nationaux russes, 1859 (Traduction en français par Le club français du livre, Paris, 1959)

[3] Il est intéressant de noter que cette béatitude n’appartient pas au bloc d’ensemble des béatitudes tel qu’on le trouve chez Luc. Elle a été ajoutée à Matthieu à la même époque que le texte sur le joug. Elle est, elle aussi une adaptation de l’Ancien Testament : « Les humbles posséderont la terre » (Ps 37, 11).

Un chant pour accompagner notre méditation

Allez porter ma joie au monde

Paroles et musique : Jean-Jacques Juven

Allez porter ma joie au monde
Par toute la planète
Porter ma joie au monde
Porter ma fête.

  1. Vers les hommes sans lumière,
    Allez porter la paix
    Et cette amitié qui éclaire,
    Portez l’amour qui ne finit jamais.
  2. Aux travaux de cette terre,
    Allez pour la moisson,
    Il y a tant de travail à faire
    Pour moissonner à tous les horizons.
  3. Pour le royaume à construire
    Allez porter vos vies,
    Portez vos pierres et vos rires
    Au monde neuf qui doucement grandit.
  4. Aux enfants de la souffrance
    Allez tendre vos mains,
    Offrir une seconde chance
    Pour inventer ensemble un lendemain.